L’Express : Pourquoi organisez-vous un meeting « S.O.S Ukraine » ?

Bernard-Henri Lévy : Pour montrer aux Ukrainiens qu’ils ne sont pas seuls. Et pour dire notre indignation, notre colère, face à cette guerre folle, extrême, sauvage.

Dans le JDD, vous avez dressé le portrait de Volodymyr Zelensky, que vous avez rencontré à plusieurs reprises. Comment expliquer cette métamorphose de clown populiste en héros de guerre prêt à tous les sacrifices pour son pays ?

C’est le mystère des destins. Des femmes, des hommes, qui, soudain, sont saisis par l’Histoire, hissés au-dessus d’eux-mêmes, grandis par un événement. Et, si cela arrive, c’est, bien entendu, parce qu’ils avaient, parce qu’ils ont, un caractère d’exception. Nul ne le savait. Eux-mêmes l’ignoraient. Et puis, soudain, cela se révèle. C’est ça, la métamorphose de Zelensky, le clown devenu héros.

Que répondez-vous à ceux qui vous accusent d’être un va-t-en-guerre ?       

Que le seul « va-t-en guerre », c’est l’homme qui a pris la responsabilité terrible de cette montée aux extrêmes, de ce crime. Moi, je suis va-t-en paix. Je rêve, avec mes amis ukrainiens, avec les démocrates russes qui protestent dans les rues, d’un retour à la paix, d’un arrêt du massacre.

Sur le plateau de France 2, vous avez eu un échange tendu avec Dominique de Villepin, qui estimait qu’une réponse militaire ne ferait qu’aggraver les choses…

Dominique de Villepin semblait vouloir s’engager dans un débat théorique sur la guerre et la paix, les interventions, la guerre de Libye il y a dix ans, les Printemps arabes. Je n’avais, moi, qu’une idée en tête : les Ukrainiens.

A l’extrême droite comme à l’extrême gauche, revient souvent l’idée que certes Poutine a enclenché la guerre, mais que c’est l’Otan qui est responsable de la situation par ses visées expansionnistes et ses « agressions » contre la Russie…

L’Otan est une organisation défensive. Elle n’a pas vocation à agresser qui que ce soit. Et je vous rappelle par ailleurs que les Alliés ont, dès 2008, clairement adressé une fin de non-recevoir à l’Ukraine. Ces gens (Zemmour, Mélenchon…) ne savent pas de quoi ils parlent. Ou, pire, ils feignent de ne pas le savoir et se sentent juste plus proches de Poutine que de leur propre pays.

Premier candidat à gauche dans les sondages, Jean-Luc Mélenchon condamne l’invasion russe, mais refuse les sanctions contre le régime de Poutine et maintient que la France devrait sortir de l’Otan…

Je le trouve moralement infâme. Et je pense, mais c’est son affaire, qu’il commet là une grave erreur politique. Je suis sûr qu’il y a dans son parti des femmes et hommes de bonne volonté qui n’aiment pas l’idée d’un « insoumis » se soumettant à un dictateur doublé d’un boucher.

On a souvent critiqué l’Europe pour sa faiblesse. Comment jugez-vous sa réaction face à la guerre en Ukraine ?

Belle. Il y a eu un moment de flottement, bien sûr. Et puis Macron a convaincu, l’Allemagne est redevenue le pays de l’impératif catégorique et l’Europe s’est soudée. Les sanctions prises contre la Russie sont une première dans l’Histoire. Et elles vont marcher. La Russie va devenir un Etat paria et Poutine devra répondre de ses crimes devant la justice internationale.

L’Ukraine pourrait-elle être l’Afghanistan de Poutine ?

Qui sait ? Beaucoup de soldats meurent. Beaucoup de vies innocentes sont fauchées. Je ne suis pas sûr que leurs mères, leurs veuves, leurs soeurs, bref, « la société civile », le supporteront longtemps.


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