Mon fils chéri,
J’ai été bien inspiré de te donner cette procuration de vote.
Car je suis, aujourd’hui, jour du premier tour, toujours en Ukraine.
Ce  que je vois, depuis que je suis ici, autour de Kiev, passe l’imagination.
Des faubourgs rasés.
Des centres commerciaux écrasés sous les bombes, aplatis comme des galettes, déchiquetés.
Boutcha éventré, des cadavres qu’on retrouve encore dans les garages et qu’on enterre, à la va-vite, dans le jardin. 
Des femmes brisées.
Des hommes à qui on a tout pris, leurs maisons, leurs maigres biens, leurs amis, leurs familles. 
Des caves où les gens sont restés terrés pendant des semaines parce que les Russes occupaient leurs appartements : ils ont tout pillé en partant et, parfois, ont détruit ce qui restait à la grenade.
Dans un verger dévasté où ils avaient aménagé l’aire de tir d’où ils bombardaient Irpin, j’ai même trouvé un mur encore debout où ils avaient, comme un dernier crachat, laissé ce graffiti : « From Russian with love ».
Je t’ai confié, mon fils chéri, pour qui je vote aujourd’hui.
Et le moins que l’on puisse dire est que l’abomination de ce que je découvre me conforte, s’il en était besoin, dans ma conviction.
La priorité absolue doit être de barrer la route aux salauds qui, non contents de préparer le pire en France, persistent à nier ce qui se passe dans cette partie de l’Europe. 
Vus d’ici, qu’ils soient « de droite » ou « de gauche », ils partagent rigoureusement la même ligne. 
Complaisance envers Poutine 
Réticence à condamner clairement l’invasion et les atrocités qui vont avec.
Refus, bien entendu, d’armer les Ukrainiens et de boycotter le gaz et le pétrole russes.
Et cette façon qu’ils ont de renvoyer dos-à-dos, sous couvert de « non alignement » le dictateur terroriste et le résistant magnifique, Volodymyr Zelensky, qui le combat et porte nos valeurs. 
Ces gens sont répugnants.
Tu verras d’ailleurs, dans l’entre deux tours, comment les trolls, les hackers, les agents d’influence russes, vont tout faire pour pousser celui ou, sans doute, celle d’entre eux qui aura accédé au second tour.
C’est pourquoi j’ai voulu que mon vote soit clair, dès le premier tour.
C’est le seul vote utile car c’est le seul qui puisse casser efficacement la dynamique franco-poutinienne.
Je n’ai plus le droit, depuis 24h, et selon le code électoral, de prononcer son nom. 
Mais nous nous sommes compris.
Je compte sur toi.


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