Face aux côtes turques, Lesbos-la-grecque, Lesbos-porte de l’Europe, reste sourde et fermée aux espoirs des migrants.
Vingt mille Afghans, Syriens, Congolais… s’entassent dans le camp de Moria, prévu pour trois mille. Il sera détruit par un incendie après nos deux séjours. Aussitôt remplacé par un autre. Plus hermétique celui-là. Pas question d’hospitalité, de fraternité, de partage. Et pourtant, nous y avons rencontré des femmes, des hommes, des enfants… Nos semblables.
« Nous sommes à Lesbos, camp de Moria, l’une des îles grecques les plus belles, les plus chargées d’histoire et de légende – et, aujourd’hui, capitale européenne de la douleur. »
Bernard-Henri Lévy, Sur la route des hommes sans nom
« J’avais été saisi, lors d’un précédent séjour, par la lecture d’un rapport de MSF établissant que l’une des particularités de Moria était les suicides d’enfants. »
Bernard-Henri Lévy, Sur la route des hommes sans nom
BHL avec des réfugiés syriens. En 2019, ils étaient moins de 10% dans ce « hot spot » financé par l’Europe mais géré par la Grèce.
« Il fait froid, en cette fin de mai 2020. La pluie, qui tombe en rafales, suinte à travers les toiles mal jointes de la tente. Une odeur d’humidité, de corps mal lavés, d’eaux usées se mêle à celle du frichti de légumes qui finit de cuire près de l’entrée. »
Bernard-Henri Lévy, Sur la route des hommes sans nom
« Nous sommes aux confins du camp, dans cette zone sauvage qu’on nomme, ici aussi, la jungle et où ont échoué quelques-uns des Syriens dont Erdogan, en mars dernier, menaçait d’inonder l’Europe. »
Bernard-Henri Lévy, Sur la route des hommes sans nom
À trois kilomètres au sud de Moria, dans les ruines d’un incendie criminel, sans doute perpétré par des activistes d’extrême droite, qui réduisit en cendres une école pour migrants en mars 2020.
Les dégâts de l’incendie de l’école…
Retrouvailles avec Abdoulaye, un refugié du Cameroun qui, grâce à un petit boulot, a repris espoir…
« J’ai vu beaucoup de camps dans ma vie. Mais rarement, comme ici, cette tristesse infinie. »
Bernard-Henri Lévy, Sur la route des hommes sans nom
Camp de Moria. La rue commerçante… On y trouve de quoi survire. S’y organise l’économie interne du camp, sans eau courante ni électricité.
« À Moria, la tragédie c’est l’eau. […] Sur ces hectares maudits, il n’y a pas d’eau courante. Mais pas non plus de puits. Pas de citernes visibles. À peine quelques douches. Des points d’eau, moins d’une vingtaine, où l’on vient, tout au long de la journée, faire la queue pour remplir sa bouteille de plastique. Une par jour et par personne. »
Bernard-Henri Lévy, Sur la route des hommes sans nom
« J’ai apporté des masques de Paris. […] La bousculade, folie. Et l’excitation est au bord de tourner à l’empoignade. […] C’est à qui poussera le plus fort, jouera le mieux des coudes – c’est à qui sautera le plus haut quand, moi-même bousculé, poussé, à un moment presque renversé, je lève le paquet au-dessus de ma tête en criant qu’il faut se calmer. Ce n’est pas une distribution, c’est une fête. C’est mieux qu’une fête, c’est un happening à la fois très joyeux et qui brise le cœur. »
Bernard-Henri Lévy, Sur la route des hommes sans nom
« Je choisis d’observer les enfants qui s’en affublent, aussitôt, comme de masques de carnaval. »
Bernard-Henri Lévy, Sur la route des hommes sans nom
« Aider, bien sûr. Témoigner. Relayer, tant que faire se pourra, la parole des maudits. »
Bernard-Henri Lévy, Sur la route des hommes sans nom
« Le pire, le plus atroce, ce sont les latrines. […] Il y a les latrines publiques […] cette batterie d’énormes Sanisette de chantier aux portes déglinguées qui ne ferment pas. J’entre. Cuvettes tartinées d’excréments. Cloaques visiblement bouchés et infestés de mouches. L’odeur fétide dont les relents me poursuivront. »
Bernard-Henri Lévy, Sur la route des hommes sans nom
Moment de fraternité entre Bernard-Henri Lévy et des réfugiés du camp de Moria. À l’arrière-plan, on devine Gilles Hertzog…
« Il reste, entre ces frères humains que rien ni personne n’est parvenu à déshumaniser, les gestes de solidarité qui font que la vie continue. »
Bernard-Henri Lévy, Sur la route des hommes sans nom
Le refuge de cette femme, réfugiée au camp de Moria : une pièce pour cinq personnes. L’entrée, couverte de palettes, sert de cuisine.
« Dans le terrain vague, un peu plus loin, où j’irai, histoire de penser à autre chose, taper le ballon avec un groupe de gamins. »
Bernard-Henri Lévy, Sur la route des hommes sans nom
Rencontre au palais du Gouverneur de Lesbos, Constantinos Moutzouris (cheveux blancs, de dos) avec ses partisans et alliés de droite et d’extrême droite.