Relu De Dieu qui vient à l’idée de Levinas. Sa position (qui, au fond, est aussi la mienne) : « Dieu existe, mais je n’y crois pas. »

Comme après chaque attentat, panique, sursaut, branle-bas de combat des consciences et des vigilances – tous signes qui indiquent notre incapacité à prendre en compte cette donnée nouvelle du terrorisme : un phénomène, non plus accidentel, mais permanent, répétitif, structurel. Vivre avec le terrorisme.

Complot contre le livre de X. Vérification, une fois de plus, de l’immense avantage de l’attaque sur la défense, de la haine sur l’amitié : la première est totale, absolue, obsessionnelle et, donc, efficace ; la seconde est relative, dolente, vaincue d’avance. Renversement de la formule : il faudrait que nos amis nous traitent comme nos ennemis.

Routiers, suite. Et si le grand clivage passait, désormais, entre ceux (routiers donc, mais aussi cheminots, aiguilleurs du ciel, employés de l’EDF, etc.) qui sont en position de paralyser le pays, de le prendre en otage, etc., et ceux qui n’en ont pas le pouvoir ? Contradiction au sein du peuple. Nouvelle lutte des classes.

Est-il exact que sur la tombe de Louise de Vilmorin figure cette simple – et terrible – épitaphe : « Au secours ! » ?

Borges : « je suis résolument monotone ». Le mot pourrait être de Godard. Mettons qu’il soit de Godard.

Toulon, ville « fasciste » ? Sans doute, puisque c’est, avec Orange et Marignane, l’une des villes où le FN est au pouvoir. Mais quelques heures suffisent à constater ceci : parce que les Toulonnais font face au FN et à ses idées, parce qu’ils sont au contact de la Bête et dans l’obligation d’y résister, parce que Jean-Marie Le Chevallier, leur maire, a été élu par un électeur sur trois et que les deux autres sont, depuis dix-huit mois, plus ou moins entrés en résistance, Toulon est aussi la capitale de l’antifascisme – elle est, si l’on veut, la ville la plus antifasciste de France.

Rolle. Entre Lausanne et Genève, au pied du glacier, un petit bourg sage, hors du temps, avec ses vignes bien plantées, ses coteaux, sa campagne presque artificielle tant elle paraît figée – et là, dans une maison de village, hors du temps, le studio de mixage d’où sont sorties quelques-unes des bandes-son les plus sophistiquées du cinéma français récent. Le son a plus besoin de paix que l’image. Il se nourrit, non de bruit, mais de silence. Le lac, tout près, qui semble là pour absorber les parasites du son, réduire ce qui pourrait lui résister – neutraliser, en un mot, l’espace où il se déploie.

Jacques Julliard rédige et fait circuler un message de soutien aux manifestants de Belgrade. Il y aurait à dire sur les manifestants en question, leur réveil tardif, leur nationalisme persistant, etc. Mais il faut signer, néanmoins. Et que réagissent comme moi tous ceux qui, pendant quatre ans, ont soutenu la Bosnie martyre n’est évidemment pas innocent : notre ennemi n’était pas le peuple serbe mais la barbarie d’un régime dont, sans toujours le savoir, il était l’autre victime.

L’idéal pour un « effet sonore » au cinéma : croire que l’on a vu ce que l’on a sûrement entendu.

Les derniers livres de Jacques Derrida – collections de conférences, causeries diverses, articles. Cette façon de recueillir ses propres vestiges, de se panthéoniser de son propre vivant.

Le son, encore, au cinéma. Le monter par rapport, bien sûr, à l’image – mais aussi par rapport à lui-même. Les cinéastes devraient être capables de voir leur film, non pas seulement en coupant le son, mais en coupant aussi l’image.

Karl Zéro est de retour. Au sommaire de son nouveau « Vrai journal », un reportage sur Le Pen commenté par Guy Konopnicki et qui, à lui seul, justifierait la reprise de l’émission. Sa thèse ? Le Front national se veut le fer de lance de la lutte anticorruption. Or c’est – selon, donc, Zéro et Konopnicki – le parti le plus corrompu de France. C’est le parti de la pègre et de l’argent sale. Accusations graves. Aura-t-on un démenti ?

Un grand acteur à qui maints éditeurs proposent d’acheter ses souvenirs : « ma mémoire n’est pas à moi ». Leçon d’élégance.

On a salué en Georges Duby le très grand historien, l’écrivain, le successeur de Marc Bloch et le contemporain de Michel Foucault. Je pense, aujourd’hui, au premier président du Conseil de surveillance de la Sept – celui qui, lorsqu’il me passa le flambeau, en juillet 1993, me dit : « j’aimerais que cette chaîne de télévision fasse aussi partie de mon œuvre ».

Godard encore. Parfois l’idée m’effleure qu’il pourrait s’être trompé d’art. Proust qui aurait fait de la peinture. Delacroix des romans. Ou encore – clin d’œil à Bernard Frank – Stendhal du théâtre.


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