Le personnage le plus émouvant de l’affaire Diana (le seul, étrangement, dont on ne nous dise rien – sinon à travers des images fugitives et… volées) : Mohamed al-Fayed, l’homme qui voulait être anglais, le père-courage écrasé de chagrin. Son beau visage saccagé, surpris par la caméra quand, à l’entrée de Westminster, un huissier lui demande son carton.
Héraclite : « les âmes qui meurent dans le combat sont plus pures que celles qui meurent de maladie ». Je retrouve la phrase, presque au mot près, dans les propos d’un militant palestinien rapportés par un quotidien de Jérusalem. Troublant.
Les hommes de Karadzic désarmés par une poignée de soldats de la SFOR, conspués par les habitants serbes de Banja Luka, bref, traités comme des soldats d’opérette, des matamores, des lâches. L’image est réjouissante. Mais terrible. On voudrait savoir ce qu’en pensent les irresponsables qui, en France et ailleurs, ont construit, quatre années durant, le mythe de l’invincibilité des milices serbes… Pitié. Colère, aussi.
La voix d’Aragon à la télévision. Pas son visage, sa voix. La vraie signature d’un écrivain.
Rentrée romanesque. Kundera : « le roman est ce territoire où tout jugement moral est suspendu ». Gombrowicz : « la morale est le sex-appeal des écrivains ». Comment trancher ?
Abassi Madani se fait fort de pouvoir arrêter la tuerie en Algérie. En bon français, cela s’appelle un aveu. Le chef historique du FIS avoue, puisqu’il peut les stopper, qu’il est l’organisateur, l’instigateur, le responsable des massacres. On reste confondu par tant de cynisme et, de la part des responsables qui prennent au sérieux son « offre », par tant de naïveté. La communauté internationale, après ces mots, n’aurait en principe qu’une attitude possible : le traiter comme elle a fini par traiter Karadzic – mais il est vrai qu’il a fallu, pour cela, cinq années.
Georges Bataille aurait cent ans. Comment commémore-t-on un écrivain qui entendait – je le cite – « écrire comme une fille enlève sa robe » ou – je cite encore – « penser comme penserait une bite s’il lui était loisible de revendiquer ses propres besoins » ? Le spectacle ne manquera pas d’intérêt.
Autre centenaire : celui du sionisme. Que reste-t-il, demandent ses héritiers, du message de Theodor Herzl ? Et la plupart de répondre – et ils ont, évidemment, raison : l’obligation, à la fois stratégique et morale, de faire la paix avec les Palestiniens. Ils n’oublient, hélas, qu’un détail. C’est que cet anniversaire, et cette obligation, coïncide avec le règne du plus grand antisioniste qu’ait connu l’histoire d’Israël – Benjamin Netanyahou.
Martin Amis, l’écrivain britannique, auteur notamment de L’information et, plus récemment, de Visiting Mrs Nabokov, chez Bourgois : « Madonna chante, Marilyn jouait, Diana ne s’est donné la peine que de respirer ». Mauvais esprit.
Communion… Communion… Le village planétaire n’avait que ce mot à la bouche, le jour des obsèques de Diana. Et chacun de s’extasier sur les deux milliards et demi d’yeux regardant au même moment les mêmes images, versant les mêmes larmes, fraternisant dans le même chagrin. Je dois avoir, moi aussi, très mauvais esprit. Car je ne peux m’empêcher de penser, quand j’entends ça, à ce mot d’un homme politique allemand qui, en 1933, annonçait, plutôt ravi : « à partir d’aujourd’hui plus personne, en Allemagne, ne sera seul ». Mais non. Je m’en veux déjà. Comment peut-on, ose-t-on, comparer l’incomparable, etc., etc. ?
De la mort de Mobutu, le Quai d’Orsay estime que c’est « un événement à caractère privé qui concerne avant tout la famille du défunt à laquelle nous présentons nos plus sincères condoléances ». Le Quai d’Orsay se fiche-t-il de nous ? A-t-il déjà oublié la longue connivence de la France, sous cinq présidences successives, avec le bourreau zaïrois ? Et nous croit-il assez sots pour avoir oublié, nous aussi, ce ministre juppéiste des Affaires étrangères qui, il y a tout juste quelques mois, pontifiait que le maréchal tortionnaire était « incontestablement la seule personne » capable de maintenir l’intégrité territoriale du Zaïre ? Il y a des jours où la langue de bois cesse d’être comique pour devenir franchement ignoble.
Martin Heidegger, dans une lettre à Karl Jaspers de juillet 1949 : « j’ai le sentiment de ne croître encore que dans les racines et non plus dans les branches ». Est-ce ce que l’on appelle la « maturité » d’un écrivain, d’un penseur ?
Jaspers, quelques jours et, dans l’édition Gallimard de leur Correspondance, quelques pages plus tard : la parole philosophique a deux statuts possibles. Celui d’une « maison » de l’être. Celui, au contraire, d’un « pont » entre les êtres. Un « pont », une « maison ». En deux mots, tout ce qui reste à penser, un demi-siècle après, des rapports entre l’être et la pensée.
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