« Pour moi c’est une guerre qui vient huit ans trop tard, cela fait huit ans qu’il fallait sanctionner Milosevic et l’empêcher de nuire. Huit années qui ont signifié la destruction de villes, des centaines de milliers de morts, une dévastation sans pareille en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. De tout cela, Slobodan Milosevic est responsable. Pour cette raison ce qui s’est passé dans la nuit de mercredi à jeudi je l’attendais depuis des années – à condition qu’il se soit effectivement passé quelque chose, que les Occidentaux soient vraiment résolus à abattre Milosevic.
J’avais la même position pendant la guerre du Golfe, même si les conditions étaient différentes et qu’on ne peut pas vraiment comparer Saddam Hussein et Slobodan Milosevic. Or les protagonistes de cette affaire ont fait le calcul politique de maintenir Saddam comme “facteur de stabilité de la région”. Et le même raisonnement a été appliqué aux Balkans. Ceux qui nous gouvernent ont longtemps pensé que Milosevic est aux Balkans ce que Saddam est au Moyen-Orient : un gendarme nécessaire. Vision simpliste des peuples, vision méprisante de leur révolte et de leur désir d’autonomie, au nom d’un ordre géopolitique imbécile. Ce fut le calcul de Bush envers Saddam et celui de Mitterrand avec Milosevic. Pour eux les peuples sont des fauves qu’il faut dompter et ils ont ainsi laissé sous la main des “dompteurs” les Kurdes et les shiites d’un côté et les Croates, Bosniaques, Kosovars et démocrates serbes de l’autre. C’est le degré zéro de la politique.
Aujourd’hui contrairement à ce que disent certains on n’a pas choisi l’option militaire contre l’option politique. On a enfin choisi, pour la première fois depuis huit ans, de faire clairement de la politique en partant du bon théorème des Balkans : Milosevic fauteur de guerre et de terreur.
Aussi quand les De Villiers et Chevènement disent qu’il fallait privilégier l’option politique c’est n’importe quoi. Justement, il s’agit de politique. Et ce n’est pas de la politique américaine, mais euro-américaine : une double initiative.
Je me suis beaucoup plus engagé pour la Bosnie que pour l’Irak ou le Kosovo mais il s’agit du même engagement antitotalitaire : je pense que les trois peuples en question – Bosniaques, Kosovars et les peuples qui constituent l’Irak – ont droit à la démocratie. Et qu’on prétend les en priver au nom d’un ordre du monde imaginaire.
Aujourd’hui le choix est toujours entre deux attitudes. On peut choisir celle de Mitterrand qui disait qu’il ne fallait pas “ajouter la guerre à la guerre”. Ou bien celle des antifascistes des années 30 en Europe : “Faire la guerre à la guerre. ” Il faut refuser que la guerre et la paix soient des objets sacrés, transcendants, justifiables d’une haine ou d’un amour absolus, de dire par exemple, comme les Munichois, que la paix est aimable en soi. Ainsi, en Bosnie, on a présenté une paix (forcée) qui était pire que la guerre. Et au Kosovo la paix des derniers mois, c’est la paix des charniers. Une paix qu’il faut refuser résolument. Je ne comprends pas l’attitude de ceux qui sautent comme des cabris en répétant : la paix, la paix, la paix, sans se demander de quels crimes elle se paie. »
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