Il a suffi de voir, samedi soir, Bernard-Henri Lévy préciser que la chemise blanche ouverte ne convenait pas à l’émission de Ruquier pour savoir qu’à la télévision, et donc dans l’image, le philosophe est chez lui. Il sait de quoi il parle lorsqu’il présente son point de vue sur une exposition à la Fondation Maeght, ainsi que sur le livre qu’il lui consacre, Les aventures de la vérité, qui traite des rapports conflictuels entre l’art et la philosophie. Lui sait jusqu’où les hommes sont allés, combien de massacres ont été perpétrés au nom de la Vérité. Comme lors de ce siècle de guerre totale en Europe, le VIIe, quand les hommes se sont entretués pour savoir s’il fallait célébrer dans les icônes la présence de Dieu ou s’il fallait les détruire.
En le voyant, en l’écoutant, hier, parler d’un grand tableau d’Anselm Kiefer représentant la puissance du surgissement d’un monde, je me demandais qui d’autre que lui pouvait faire ce genre de chose au milieu d’une émission de divertissement regardée par des millions de téléspectateurs. Il a cette capacité, cette hauteur de vues et aujourd’hui, peut-être un peu plus, cette sagesse, qui permettent à la pensée de ne pas disparaître complètement dans un monde qui pourrait facilement plonger dans l’obscurité. Ici, l’intellectuel engagé est dans son rôle de vigie, fouillant l’horizon du regard, Bernard-Henri Lévy, le Magnifique.
Épopée
Il y a deux ans, le nouveau et brillant directeur de la Fondation Maeght, Olivier Kaeppelin, a eu l’idée lumineuse de proposer au philosophe de construire autour de cette question violente, la confrontation des images et de la pensée, un récit permettant aux œuvres de raconter cette histoire tragique à ceux qui les regardent. Il y a donc deux façons de saisir le résultat : lire le livre de Bernard-Henri Lévy sur cette épopée illustrée par les œuvres choisies, ou bien aller directement voir ces créations, dans leur scénographie, une autre manière de construire un récit, mais en écoutant aussi ce que toutes ces images, ces artistes, racontent sur le même sujet. L’exposition ouvre le 29 juin à Saint-Paul-de-Vence, et l’on a hâte d’entendre s’exprimer ce chœur des œuvres, car il faut savoir les écouter et, comme Jacques Derrida ou Jean-François Lyotard autrefois, Bernard-Henri Lévy semble avoir l’oreille fine.
Inaugurée en 1964 par André Malraux, la fondation de Marguerite et Aimé Maeght est un lieu de rayonnement international pour la création. Elle trouve, avec cette exposition et son nouveau directeur, une impulsion importante pour son indépendance, lui permettant d’affronter l’avenir avec de nouvelles forces. En regardant Bernard-Henri Lévy hier soir, je me disais que lui aussi trouvait, dans ce geste, un nouvel élan, se libérant de l’ombre tutélaire d’André Malraux et de son Musée imaginaire, pour se lancer sur des voies nouvelles, celles d’un monde où l’image a triomphé et règne en maître absolu, sans l’aide d’une quelconque divinité. Il faut remercier le philosophe de nous rappeler l’urgence qu’il y a à méditer sur notre servitude volontaire face à un monde d’illusions.
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