C’est un thriller de l’après-11 septembre. Un récit splendide et terrifiant que mène, sur 540 pages, Bernard-Henri Lévy, dans un Pakistan de cauchemar, où les fous d’Allah paradent en toute impunité et complotent avec des factions d’agents secrets pour la destruction de l’Occident.

Au départ, il y a la sauvagerie archaïque du supplice de Daniel Pearl, ce journaliste du Wall Street Journal enlevé et décapité, début 2002, à Karachi par des islamistes. L’écrivain, hanté par les images de cet assassinat filmé par ses auteurs, décide de mener l’enquête, de comprendre qui est vraiment derrière ce crime et pourquoi il a été commis.

Doué, sympathique, ouvert et tolérant, l’Américain, juif, Pearl est pour l’auteur le symbole lumineux de la modernité humaniste. BHL ne peut que s’identifier à Danny – « J’aurais pu être à sa place », se dit-il, comme se sont dit tous les journalistes du monde.

Mais, dans la tête de ses tortionnaires, que se passe-t-il ? Qui est vraiment Omar Sheikh, l’organisateur de son rapt ? Lévy de comprendre comment ce collégien britannique d’origine pakistanaise, archétype d’une intégration réussie, va basculer dans la nuit du terrorisme islamiste. Cette incarnation contemporaine du mal fascine l’auteur. À quel moment sont apparues les racines démoniaques chez le brillant Omar ? Omar, qui est de fait le principal personnage de ce livre, témoignage sur « l’horreur de l’époque ».

Il faut suivre BHL à travers les faubourgs désolés de Karachi ; entrer avec lui dans la baraque où Pearl a été détenu et égorgé ; se faufiler à ses côtés à l’intérieur d’un repaire d’Al-Qaïda. Il faut l’accompagner dans des quartiers de la métropole où la haine de l’Occident fait de vous une cible. Dans les pas du journaliste américain, l’écrivain français rencontre d’énigmatiques informateurs, interroge des flics inquiétants, rend visite à des mollahs aussi fanatiques que sentencieux. Il découvre qu’un des premiers gourous de Ben Laden, celui-là même que cherchait à rencontrer Pearl, avait exercé ses talents d’agent recruteur à Brooklyn. À Dubaï, un ami banquier lui explique comment les traders d’Al-Qaïda ont autofinancé l’attentat du 11 septembre en spéculant sur des actions d’United Airlines. À Kandahar, le chef de la police lui raconte les relations entre Omar et Ben Laden. Puis c’est Los Angeles, Londres, New Delhi. Et retour à Karachi et Islamabad. Portrait saisissant de ces deux villes où flotte « une odeur d’apocalypse ».

Au milieu de ce tourbillon de fausses pistes, de vrais indices, de déceptions et de découvertes inespérées, l’enquêteur tâche de garder la tête froide, de relier les fils éparpillés, de faire la part des faits et des intuitions.

Une thèse s’impose à l’auteur : le crime d’une bande de fanatiques sanguinaires est un crime d’État, couvert par une partie ses services pakistanais. Pearl s’était-il montré « over intrusive » sur un sujet trop sensible : les efforts de certains idéologues, parmi eux les pères de la bombe atomique pakistanaise gagnés à la cause islamiste, pour fournir à Al-Qaïda des armes de destruction massive ?

Menée à un train d’enfer, cette histoire est aussi une réflexion sur les dangers du siècle qui commence. Le journaliste-philosophe se fait parfois romancier, en témoigne la reconstitution du meurtre de Daniel Pearl.


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