Aux dizaines de milliers d’« indignés » qui se sont, ce dimanche, 22 octobre, rassemblés dans plusieurs villes de France et d’Europe en signe de soutien à la « cause palestinienne », il y a une question qu’il ne faut pas se lasser de poser.

Où étaient-ils quand c’est le Hamas, pas Israël, qui arrêtait, torturait, massacrait, les Palestiniens coupables de vouloir la paix et de rêver de liberté ?

Pourquoi n’ont-ils pas défilé avec la même ardeur et, souvent, pas défilé du tout, pendant le long calvaire des 380 000 civils morts dans la guerre du Yémen ?

Et les Syriens pilonnés, emmurés vivants dans leurs villes, gazés par l’armée de Damas, pourquoi n’ont-ils pas eu droit à la même mobilisation des syndicats et de la gauche « sociale et politique » ? pourquoi Jean-Luc Mélenchon, en pointe dans la compassion pour les 4 000 morts palestiniens d’aujourd’hui, n’a-t-il pas eu un mot pour les 400 000 morts de cette guerre d’hier en Syrie ? si, d’ailleurs, il a eu un mot ; et même deux ; il les a balayés, ces 400 000 cadavres, en répétant, sur tous les tons et toutes les antennes, qu’ils étaient les victimes d’une obscure querelle « de gazoducs et de pipelines »…

Et les victimes d’Omar el-Bechir au Soudan ? puis des adversaires d’El-Bechir engagés, depuis six mois, dans une « guerre des généraux » qui ne les a, que je sache, pas fait descendre non plus dans la rue ?

Et les femmes afghanes réenfermées dans leur burqa après que les talibans ont, il y a deux ans, repris le contrôle de Kaboul ? d’où vient que le sort de ces femmes, pas plus que celui des femmes iraniennes assassinées pour un voile posé de travers, n’a pas semblé passionner ces manifestants qui en appellent, tout à coup, à la république et au droit ?

Et les Ouïgours, musulmans, génocidés par la Chine ?

Et, pour les plus anciens de ces défenseurs autoproclamés des droits de l’homme, les victimes de Kadhafi en Libye ? de la dictature en Égypte ? des guerres de Poutine en Tchétchénie ? avant cela encore, bien avant, à l’époque du siège de Sarajevo, les 100 000 musulmans de Bosnie hachés menu par la soldatesque serbe ? pourquoi étions-nous si peu nombreux, alors, sur la brèche et dans les rues, pour défendre ces musulmans-là ?

Et je ne parle même pas des bombardés de Marioupol ou des massacrés de Bakhmout : Stand With Ukraine organise, chaque samedi, sur la même place de la République, des meetings de solidarité où l’on ne croise guère les représentants de La France insoumise, du Nouveau Parti anticapitaliste, de l’Union syndicale Solidaires, de la Fédération syndicale unitaire, du Mrap et même de la CGT que l’on trouve associés dans ce nouveau « Collectif national » de « soutien à la Palestine ».

La vérité, c’est que, pour ces gens, les morts ne se valent pas.

Il y a, en Europe, des révoltés conséquents qui ont pris parti, de tout temps, pour les peuples ukrainien, ouïgour, bosniaque ; pour les nations arabo-musulmanes que certains vouaient, au même moment et au nom de la relativité des cultures, à d’impossibles Printemps et à une servitude éternelle ; pour les victimes sans nombre et sans nom des guerres oubliées du monde ; pour, récemment encore, les Arméniens du Haut-Karabakh abandonnés de tous ; mais aussi, dans le même temps, pour la solution à deux États, puis pour les accords d’Oslo, puis pour le plan de Genève dont nous fûmes, avec Bernard Kouchner et Patrick Klugman, les parrains français, bref, pour le peuple palestinien, ses revendications légitimes et, aujourd’hui, ses enfants pris entre deux feux… Eh bien, ces gens choisissent, eux, leurs victimes ; ils pratiquent le « deux poids, deux mesures » ; et, alors que tous les enfants tués devraient leur arracher les mêmes larmes, un mort ne les émeut que lorsqu’il les autorise à crier « Israël assassin », ou « Sionisme égale nazisme » et, à la fin, « Israël dégage » ou « De la mer au Jourdain », c’est-à-dire, en bon français, « Mort aux Juifs ».

Ajouter à cela que ces indignés ne sont pas descendus dans la rue quand ce sont 1 300 femmes, hommes, enfants des kibboutzim d’Israël qui ont été éventrés, décapités, brûlés vifs, pogromisés.

Les mêmes que l’on a vus crier « Nous sommes tous des Palestiniens » auraient très bien pu, deux semaines plus tôt, comme les insoumis de 1968, s’exclamer « Nous sommes tous des Juifs » – il se trouve qu’ils ne l’ont pas fait et que l’idée, pour la plupart, ne leur est pas venue à l’esprit.

Ajouter, aussi, qu’ils ont toléré, dans leurs cortèges, les slogans d’une organisation, le Hamas, qui parle comme Daech, pense comme Daech, filme ses crimes comme Daech.

Et ajouter, encore, que l’un de leurs motifs de rassemblement, l’un de ceux qui, en tout cas, apparaissaient dans leurs tracts et leurs réseaux sociaux était la destruction d’un hôpital, à Gaza, dont il est avéré que l’obus qui l’a touché n’était pas israélien mais palestinien – ajouter, donc, que ces indignés ont été manipulés et que leurs manipulateurs sont des maîtres en désinformation qui n’ont d’autre but que d’incendier les âmes, semer le chaos et tuer des Juifs.

L’antisémitisme, disait-on jadis, est le socialisme des imbéciles.

Tel est, aujourd’hui, ce hamassisme qui reproduit la même imbécillité criminelle – et fait que ces rassemblements, même s’ils n’ont donné lieu, comme dit pudiquement la presse, à aucun « incident majeur », sont une offense à l’esprit républicain.


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