Bernard-Henri Lévy poursuit son « carnet de route » de la guerre en Ukraine. Après Pourquoi l’Ukraine, puis Slava Ukraini, L’Ukraine au cœur est le troisième film que l’écrivain consacre au conflit. Diffusé mardi 14 novembre à 21h10 sur France 2, le documentaire, réalisé avec Marc Roussel, montre le quotidien des « citoyens-soldats » ukrainiens sur le front, à quelques centaines de mètres parfois des lignes de l’armée russe. Le philosophe part également à la rencontre de blessés de guerre, de la communauté juive de Dnipro et de combattants étrangers.
Alors que les combats durent depuis février 2022 et ne semblent pas près de s’arrêter, Bernard-Henri Lévy voit ce nouveau documentaire comme un moyen de lutter contre la tentation trop grande de détourner le regard.
Le philosophe entend aussi montrer l’héroïsme de ces citoyens devenus des combattants animés d’un idéal. « Je couvre cette guerre depuis les premières semaines et ce qui me frappe, c’est le moral inentamé des Ukrainiens, cela force le respect, insiste-t-il. D’un côté, une armée qui ne sait pas pourquoi elle se bat et de l’autre, une armée qui est habitée par des valeurs qui sont plus grandes qu’elle. » France Info a sélectionné trois extraits de cette nouvelle plongée dans l’enfer de la guerre.
La désillusion d’un prisonnier russe
Bernard-Henri Lévy interviewe un combattant russe, fait prisonnier par les militaires ukrainiens. Blessé, cet homme raconte comment il est arrivé sur le front. « Je me suis engagée pour effacer mon casier judiciaire et bénéficier d’une amnistie », témoigne-t-il. Mais il n’a pas rejoint les rangs de l’armée russe, pas plus qu’il n’a été employé à l’arrière du front, comme il s’y attendait, lui qui n’avait aucune expérience militaire. « On nous a donnés à une société militaire privée, dénonce-t-il. Ils nous ont dit : “Vous avez été vendus pour 25 000 roubles chacun”. » C’est ainsi qu’il s’est retrouvé en première ligne. « Ils nous ont envoyés direct à la mort », conclut-il, amer.
« J’ai tenu à cette scène, car c’est une sorte de sondage terrifiant sur l’état de l’armée russe, explique Bernard-Henri Lévy. Qu’est-ce qu’ils nous disent ? Démoralisation, non préparation, ignominie des commandants qui les traitent comme des esclaves. Il leur manque le vrai carburant d’une victoire qui est le moral, qu’ils n’ont pas. On ne peut gagner une guerre que lorsque l’on sait pourquoi on l’a fait. »
La fierté d’une combattante ukrainienne blessée
Le documentaire montre les stigmates de ce conflit, gravés à jamais dans la chair des soldats ukrainiens. La caméra de Bernard-Henri Lévy et Marc Roussel glisse sur ces gueules cassées, en convalescence dans un hôpital et centre de rééducation à Lviv, dans l’ouest du pays. Le Superhumans Center qui tente de réparer les corps mutilés et les esprits traumatisés. A 20 ans, Rouslana s’est engagée, a combattu et a été grièvement blessée, au point d’être amputée d’une de ses jambes.
Rouslana considère que cette terrible expérience a donné un sens à son existence. « Avant d’être blessée, je ne savais pas ce que je voulais faire de ma vie, explique-t-elle. Tout a basculé à cet instant, ça a changé ma vie. Maintenant, je sais que je peux changer la vie des autres. […] Je ne regrette pas ma décision d’être allée à la guerre et d’avoir défendu mon pays. J’en suis fière. » Certains de ces grands blessés ne demandent qu’à retourner sur le front et à se battre pour leur patrie malgré leur handicap.
L’aide apportée par des vétérans israéliens
De nombreux combattants étrangers sont venus prêter main-forte aux soldats ukrainiens depuis le début du conflit. Parmi eux, des vétérans israéliens. Ces anciens soldats de Tsahal apportent leur soutien et leur expertise à des combattants ukrainiens parfois moins rompus aux tactiques militaires. « Dans l’armée israélienne, vous devez être agressif, explique l’un d’eux. Ici, on n’a pas appris à être agressif. Juste se défendre, combattre. Tu dois te forcer et détruire l’ennemi. »
Soutenue et armée par ses alliés occidentaux, l’armée ukrainienne tient tête aux pléthoriques troupes russes depuis des mois. Un combat de David contre Goliath qui résonne dans l’esprit des vétérans israéliens. « Dans les grands pays, parfois, on ne pense pas toujours que les petits soldats peuvent faire quelque chose. En Israël, c’est différent. On n’a pas beaucoup d’hommes », explique le soldat israélien Sacha.
Cette rencontre entre Bernard-Henri Levy et ces vétérans de Tsahal engagés sur le front ukrainien résonne particulièrement depuis que la guerre a éclaté entre le Hamas et Israël, après les attaques terroristes du mouvement palestinien sur le sol israélien le 7 octobre. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui-même exprimé sa crainte que l’embrasement au Proche-Orient ne « détourne l’attention » de la communauté internationale des combats qui se poursuivent en Ukraine. Un désintérêt qui pourrait servir les intérêts du pouvoir russe.
Une inquiétude que partage Bernard-Henri Lévy : « Il y a des membres du Congrès aux États-Unis qui ont explicitement demandé que l’aide destinée à l’Ukraine soit annulée et transférée à Israël. Cette idée me navre. Je vis, moi aussi, bien sûr, à l’heure de la guerre en Israël. Mais j’ai deux horloges. Je vis aussi à l’heure ukrainienne. Et je serais révolté si cette guerre devenait une guerre oubliée. Plus actuel que jamais est l’appel que je lance, dans les dernières minutes du film, pour livrer à Kiev les armes nécessaires à la victoire. »
Réseaux sociaux officiels