Quel titre remarquable ! Solitude d’Israël. Chez Grasset. Qui nous change de la production du Seuil, très antisioniste, des Jean-Pierre Filiu et des Shlomo Sand. Bernard-Henri Levy ne pouvait trouver mieux. Rarement Israël s’est trouvé plus isolé sur la scène internationale que depuis le 7 octobre. Alors que le pays a subi son plus grand massacre : un pogrom ; plus de mille morts. Des centaines d’otages. Assassinats, viols, tortures. Des civils. Des enfants. Il faut le répéter comme le fait BHL dans son livre. Il a raison de le faire : ce pogrom est aujourd’hui oublié, « gommé », sorti du champ de l’histoire. BHL parle même de négationnisme. Solitude donc. Solitude des Israéliens. Un peuple à terre. Un peuple en dépression. Un peuple traversé par une tristesse inouïe. Une tristesse qui réveille les démons de la Shoah. Inévitablement. Les monstres du Hamas ont frappé fort, très fort. Jamais un groupe terroriste n’avait frappé si fort. Ils ont voulu tuer un maximum de juifs ; comme ils veulent un maximum de morts de ce pauvre peuple palestinien, pour que la haine à l’endroit d’Israël soit irrémédiable. Pari réussi. Jamais un groupe terroriste n’aura autant mérité l’appellation de « nazislamistes ». BHL évoque d’ailleurs la très large participation des pays arabes au nazisme.

Certes, rappelle-t-il, ce n’est pas la première fois qu’Israël se sent seul. À chaque guerre contre Israël, c’est la même rengaine. Israël fautif, comme les juifs depuis toute éternité. C’est si simple. Mais cette fois-ci, l’évènement est d’une telle ampleur que sa solitude semble immense. L’Allemagne est là, heureusement. Les États-Unis sont là, bien sûr. Fidèles aux postes de la plus grande démocratie du monde. C’est à peu près tout. Les détracteurs, eux, sont légion. Chez nous, Mélenchon, Le Monde, et combien d’autres… récemment, une idôle féministe de la gauche, Judith Butler, jugeant le pogrom du Hamas comme un acte de résistance ; puis Annie Ernaux, tiens donc, autre idôle féministe de la gauche, qui soutient Butler. La gauche, tout un poème. Et il y a l’ONU qui donne le La mondial. BHL en parle avec véhémence. Il rappelle le discours du Secrétaire Général des Nations unies, Antonio Guterres : l’attaque du Hamas ne s’est pas produite « dans le vide ». Elle doit être appréciée en fonction du « contexte de l’occupation par Israël ». Ce fameux « contexte », repris ad nauseam comme un mantra, dans le monde entier, jusqu’à Harvard. Comme « combattant des droits de l’homme », il sait depuis longtemps que l’institution au mieux ne sert à rien, au pire est dévoyée. En Bosnie, l’ONU a pris des années avant de désigner les agresseurs et d’arrêter quatre ans plus tard le siège de Sarajevo ; au Rwanda ? l’ONU attend la fin des massacres pour conclure au génocide ; et pour l’Ukraine, l’ONU est une nouvelle fois impuissante.

Cette solitude d’Israël, le livre de BHL tente de la combler. Il réconforte. Avec succès. Avec panache. Et avec connaissance de son sujet. Parfois à travers la mystique juive ; parfois à travers les philosophes, Sholem, Levinas et Rosenweig ; parfois à travers des historiens spécialistes d’Israël ; parfois à travers ses propres expériences, nombreuses, de reporter de guerre.

Les uns après les autres, il démonte les fallacieux arguments des adversaires d’Israël. Par exemple le fameux « cessez-le-feu » réclamé à cor et à cri. BHL rappelle, lui le grand connaisseur des guerres, l’importance capitale d’éradiquer les mouvements islamistes. Il rappelle combien il fut essentiel de tuer Ben Laden en 2011, mort qui marqua un coup d’arrêt très net d’Al-Qaïda. Et par là même, détruisant le mythe dans le monde arabe d’invincibilité du groupe terroriste. Aussi rappelle-t-il qu’avoir détruit la structure de commandement de Daesh à Mossoul et d’avoir tué leur chef Abou Bakr al-Baghdadi leur avait fait perdre beaucoup de leur popularité, de leur capacité de mobilisation, et de leur force de frappe. Bien sûr, conclut BHL, il reste des terroristes, qui se forment et se reforment. Mais pour un temps, plus ou moins long, le danger est repoussé. Anihilé. Tsahal, l’armée israélienne, s’inscrit dans cette perspective : éradiquer le Hamas, pour la survie de leur pays. Face à ces barbares, Israël n’a pas le choix. 

BHL ajoute un argument que nous entendons peu : qu’il n’y a pas de raison qu’après ces milliers de morts palestiniens – ces enfants tués à cause du Hamas qui sacrifie sa population, pas moins que Daesh, pas moins qu’Al Qaïda –, que le peuple palestinien ne se réveille. Ne se réveille en disant « plus jamais ça ». Plus jamais de ces dirigeants islamo-nazis du Hamas pour éviter un deuxième massacre.

Il y a des pensées déchirantes dans ce livre de combat. Comme celle, sombre, sur ce que représente cet évènement du 7 octobre. Écoutons-le : « Pas un lieu en ce monde où les juifs soient saufs, sur cette planète, qui soit un abri pour les juifs, voilà ce qu’énonce cet évènement. Jamais, nulle part, il ne sera dit que les juifs peuvent habiter paisiblement le monde, et ce, jusqu’à la fin des temps, telle est la vérité qui semble sauter aux yeux. » Comme il a raison, BHL, de le souligner. Le Point, soutien extraordinaire d’Israël, avait titré : « le 7 octobre, premier pogrom du XXIe siècle ». Toujours et encore. Une autre pensée déchirante de BHL passe par le personnage d’Amalek. Le plus vieil ennemi des juifs, nous dit la Bible. Il savait qu’il allait perdre la guerre contre les juifs, mais il savait aussi qu’il allait pour longtemps ternir leur éclat. BHL : « Nous en sommes très exactement à ce point où le vierge, le bel, le vivace Israël voit se refroidir et obscurcir sa splendeur […] Nous nous retrouvons tous, jetés dans une situation qui fut celle de nos aïeux et à laquelle nous pensions avoir échappé. » L’âme juive ? Brisée. Hélas, une grande victoire du Hamas. Impalpable mais bien réelle. In fine, ce livre coup de poing s’efforce de la plus belle des manières, par l’intelligence de l’argumentation, de démontrer que cette guerre est une guerre juste. Une guerre, comme n’a de cesse de le répéter Netanyahu, non contre le peuple palestinien, mais contre le Hamas. Une guerre nécessaire. D’une urgence suprême. Une guerre de riposte vitale à Israël pour que ce pogrom soit le dernier. Une guerre dont le but est d’éliminer la guerre. Une guerre pour qu’il n’y en ait plus. Une der des der. Comme en Allemagne en 1945. Il est permis d’y croire.


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