Il existe depuis toujours des grands textes sur le destin singulier de la Terre d’Israël et de son peuple fier. Tant de textes évoquent cet État souverain du Royaume d’Israël puis de Judée pendant 1000 ans, asservi ensuite par plusieurs puissances coloniales des Assyriens, des Perses, des Grecs, des Romains, des Byzantins, des Arabes, des Mamelouks, des Croisés, des Turcs puis des Britanniques mais avec toujours une présence juive continue sur sa terre ancestrale. Tant de textes évoquent sa renaissance miraculeuse.
Ce « petit peuple » éternel est ainsi décrit par Chateaubriand depuis Jérusalem en 1807 « Tandis que la nouvelle Jérusalem sort ainsi du désert brillante de clarté, jetez les yeux entre la montagne de Sion et le Temple, voyez cet autre petit peuple qui vit séparé du reste des habitants de la cité… Ce qu’il faisait il y a cinq mille ans, ce peuple le fait encore. Il a assisté dix-sept fois à la ruine de Jérusalem, et rien ne peut le décourager, rien ne peut l’empêcher de tourner ses regards vers Sion ».
Ou encore ce qu’écrivait notre grand poète et ardent républicain, Lamartine en 1835 : « Un tel pays, repeuplé d’une nation neuve et juive, cultivé et arrosé par des mains intelligentes – un tel pays, dis-je, serait encore la terre de promission ».
Ces Juifs de Palestine, que Bonaparte depuis Jaffa appelait en 1799 à rejoindre son armée pour libérer la terre d’Israël : « Israélites, nation unique que les conquêtes et la tyrannie ont pu, pendant des milliers d’années, priver de leur terre ancestrale, mais ni de leur nom, ni de leur existence nationale !…. Vous avez le droit à une existence politique en tant que nation parmi les autres nations ».
Écoutons aussi ce cri du cœur du grand Joseph Kessel dans Terre d’amour en 1927, quand il rencontre les pionniers venus reconstruire la terre d’Israël abandonnée et oubliée de tous : « Ressusciter à la fois un peuple et une patrie… rendre leur fécondité, leur santé à une race et à un sol… ramener sur une terre quittée depuis deux mille ans des hommes marqués du sceau de vingt nations et de vingt siècles ».
Malraux chantait sa beauté, Levinas évoquait sa mystique, Aron volait à son secours en 1967.
Et dans cette lignée des grands écrivains français, pétris de culture, de savoir, de connaissance des peuples, Bernard-Henri Lévy nous livre son texte le plus personnel, le plus profond Solitude d’Israël qui vient de paraître chez Grasset. Il évoque avec force la solitude renouvelée du peuple juif face à la barbarie et à ses complices déterminés, lâches ou ignorants.
Précipitez-vous donc pour lire ce cri d’amour, ces paroles lucides, témoignage bouleversant de celui qui le 7 octobre au soir arrivait à Tel-Aviv et qui dès le 8 au matin, était aux côtés des héroïques combattants d’Israël venus délivrer les kibboutz martyrs de Kfar Aza ou de Be’eri, ou la ville de Sderot.
Je suis arrivé deux semaines plus tard avec une délégation de soutien du Crif à Kfar Aza. Les cendres, les traces de sang, les traces des crimes, des viols, l’odeur insoutenable de la mort, des morts nous prenaient à la gorge. Nous étions sur une scène de crime de masse à perte de vue. Bernard-Henri Lévy était là lui dès le lendemain. Lisez les pages qu’il consacre à ce crime immense, lui qui a tant couvert « les guerres oubliées » de ce monde. Lui qui a tant vu les barbares en Bosnie, au Soudan, en Libye, en Irak, en Afghanistan, en Ukraine. Lui dont les yeux et la plume nous ont rapporté tant de crimes. Lisez ce compte-rendu à chaud, puis réfléchi, sur ce plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah. Il comprend comme beaucoup d’entre nous qu’il vient de se produire « un évènement » qui va « changer le cours de nos vies ».
Ce livre s’inscrit ensuite dans une réflexion philosophique, géopolitique, avec une précision admirable, mais aussi métaphysique. Car les crimes du 7 octobre sont une atteinte profonde à l’intime des Juifs, il ravive les cauchemars transmis de génération en génération. Il constitue un crime des hommes contre toute notre Humanité. Mais que ce crime se déroule sur la Terre d’Israël, protégée par les enfants guerriers d’Israël, a sidéré l’ensemble des Juifs. Israël a, pour la première fois peut-être depuis sa guerre d’indépendance héroïque de 1948-1949, retrouvé la fragilité des Juifs de diaspora.
BHL lui qui connaît si bien le mal, pour l’avoir approché si près et dans tant de pays et continents écrit cette phrase si juste : « Le mal était de retour, tonitruant, insatiable dans un paysage dévasté où la lumière n’éclairait plus que le néant. Le mal radical ».
Mais venons à présent au propos, hélas si vrai, si tragique de ce si nécessaire essai : « La solitude d’Israël ». Cela peut sembler étrange. Les États-Unis grâce à la détermination de l’administration Biden ont mis en place un pont aérien d’armements vitaux pour la sécurité d’Israël. Les Européens ont été solidaires. Mais comme nous l’explique BHL, « L’Empire et les cinq rois », auquel il leur avait consacré un ouvrage passionnant, s’est réveillé une fois de plus pour agresser Israël, soutenir les tueurs du Hamas et propager grâce à leurs moyens financiers et leurs savoirs faire technologiques la haine d’Israël, la haine des juifs pour fracturer l’occident démocratique. Nommons ces « cinq rois » nos ennemis : la Russie, la Chine, la Turquie, l’Iran, tous les califes de l’islam radical. Ces cinq rois s’en donnent à cœur joie depuis le 7 octobre.
BHL nous emmène au-delà des crimes, pour mesurer les conséquences mondiales de cet « évènement » avec son cortège de surprises, ou hélas, si peu surprenantes. L’apparition immédiate d’un négationnisme en direct. « Non cela n’est pas arrivé… Non les femmes juives n’ont pas été violées, égorgées, dépecées… Non les enfants n’ont pas été brûlés avec leurs parents… Non le vrai responsable n’est pas le criminel de masse du Hamas, c’est l’État voisin souverain et démocratique d’Israël ». Les crimes du 7 octobre seraient à la fois une manipulation et une invention.
Après le négationnisme, vint le relativisme. Les Juifs ont l’habitude du premier comme du second. « Oui, mais ». Oui, c’est un crime mais… Oui Dreyfus est peut-être innocent mais il faut sauver l’honneur de l’armée. Oui Hitler est excessif mais… les Juifs capitalistes ou bolcheviques sont une menace. Oui Staline est paranoïaque mais… les Juifs veulent sa chute. Depuis le 7 octobre, nous avons droit au « Oui, mais… Israël ». Nous n’en pouvons plus de ce relativisme dès qu’il s’agit du meurtre des Juifs.
BHL tord ensuite le cou à tous ces pièges de la bonne conscience que le monde veut imposer à Israël pour acter la victoire des criminels pogromistes du Hamas. Le cessez-le-feu sans aucune condition, ni libération d’otages, ni reddition des tueurs. Ou encore la tarte à la crème du « jour d’après ». Il y aura évidemment un jour d’après, mais comme disait Clemenceau ou Churchill, il faut d’abord gagner la guerre contre la terreur totalitaire. Une fois la guerre gagnée, les Israéliens mais aussi les Palestiniens débarrassés de ce régime de terreur des frères musulmans du Hamas, retrouveront tous les possibles, deux États distincts avec l’aide de l’arc modéré des pays arabes des accords d’Abraham, rejoint par l’Arabie saoudite.
BHL se penche enfin sur ces questions nécessaires sur l’essence même d’Israël. Pourquoi Israël ? Cette question si profonde à laquelle Claude Lanzmann avait déjà essayé de répondre. Comment répondre à l’accusation inepte et ignorante du « colonialisme » d’Israël, BHL nous en donne les arguments évidents. Chaque jeune, dont le cerveau a été lavé par la propagande « intersectionnelle » si présente sur les réseaux sociaux, devrait lire ces pages.
BHL n’oublie pas de rappeler l’origine lointaine, les liens si profonds entre le fascisme et l’islam des Frères musulmans, celui qui nourrit le Hamas, le Hezbollah et le régime de tueurs de Téhéran. Ces pages sont nécessaires pour comprendre, le lien si fort entre la propagande nazie, ses criminels SS reconvertis après-guerre en Égypte, en Syrie et en Irak et cette construction du fascislamisme qui perdure jusqu’à nos jours.
BHL conclut son si remarquable, et comme vous le constatez si complet essai, par son amour, que je partage, pour le peuple d’Israël, ce peuple de héros, cette nation en armes, ces jeunes qui sont prêts à sacrifier leurs si jeunes vies pour sauver leur terre, leurs familles, mais qui espèrent toujours en un avenir de paix et de cohabitation avec les Arabes.
Il rend enfin hommage à cette âme juive qui a fait la force de la reconstruction d’Israël, de ses valeurs ancestrales et qu’Israël, le peuple d’Israël ne doit pas perdre dans cette guerre si cruelle qui lui a été imposée.
Kessel avait écrit au retour de la Palestine mandataire en 1927 Terre d’amour, en 1948 à son retour du jeune État d’Israël enfin reconstruit et indépendant Terre de Feu. En refermant ce si grand texte sur Israël de Bernard-Henri Lévy, cette Solitude d’Israël, je me dis que Kessel, de là où il est, lui dit merci, il a un successeur. Israël reste à la fois cette « Terre d’amour et de feu » à laquelle Bernard-Henri Lévy rend le plus beau des hommages lucide et engagé.
Israël est notre intimité profonde. Elle est notre jardin secret, ce jardin défendu, ce jardin piétiné, violé et massacré un 7 octobre 2023. Ce jardin refleurira, se reconstruira, se relèvera. Ce jardin dont « les gardiens de ses frères » partout se lèvent pour le protéger. Un de « ses gardiens » est Bernard-Henri Lévy. Un de ceux qui veulent rompre et de la plus belle des manières, la « Solitude d’Israël ».
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