On connaît l’engagement de Bernard-Henri Lévy pour l’Ukraine qui fait face à l’agression de la Russie de Poutine. Il faut lui reconnaître d’avoir été un des premiers (son intervention début mars 2014 sur la place Maïdan de Kiev) à mettre en garde les démocraties devant les visées impérialistes de la Russie. Il fut vite entendu, par la France notamment, et par l’ensemble des forces politiques, puisqu’aussi bien l’extrême gauche que les partis classés à l’extrême droite, certains à leur corps défendant, n’ont pas osé s’opposer à l’envoi d’armes à l’Ukraine. Une autre guerre est en cours. Si on peut continuer à craindre ce que serait pour toutes les démocraties une défaite de l’Ukraine, on peut imaginer ce que serait pour le monde entier la disparition de l’État d’Israël, et pas seulement pour les juifs (voyez leur situation actuelle en France). C’est cette nouvelle guerre, opposant le Hamas à Israël qui mobilise aujourd’hui Bernard-Henri Lévy car, sans doute plus encore que l’Ukraine, c’est l’existence même d’Israël qui est menacée. D’où l’analyse que propose Lévy de la folle tentative génocidaire engagée par le Hamas lors du terrifiant pogrom du 7 octobre 2023.

Génocide

Le mot « génocide » revient souvent dans les débats autour de cette guerre. Dans un article paru le lundi 25 mars, non dans la presse de droite ou d’extrême droite, mais dans Libération, le correspondant européen du quotidien, Jean Quatremer, conteste l’emploi du mot « génocide » auquel ont recours Mélenchon, la LFI, une partie des opinions publiques et nombre d’États dans le monde pour qualifier la réplique militaire de Tsahal au Hamas. Il rappelle le sens juridique précis du terme, défini par la convention des Nations Unies de 1947. Génocide : « Intention de détruire, ou tout, ou en partie, un groupe national ethnique, racial, ou religieux. » Jean Quatremer rappelle qu’aucune démocratie, à ce jour, ne s’est rendue coupable de génocide, que les trois seuls génocides retenus l’ont été pour les juifs (la Shoah), les Arméniens, les Tutsis. Jean Quatremer ajoute que, selon les critères définis par les Nations Unies, le qualificatif de génocide ne peut en rien s’appliquer à l’intervention militaire de Tsahal. Les seules condamnations qui pourraient être éventuellement retenues, après enquête objective, seraient celles de « crimes de guerre ».

Les vrais colonisateurs

Bernard-Henri Lévy, après avoir rappelé les raisons de la fondation de l’État d’Israël, réfute une autre accusation portée contre celui-ci : il est un État « colonisateur ». C’est oublier qu’il y eu une présence juive millénaire sur cette terre bien avant que s’y succèdent les vrais colonisateurs, les Arabes, les Ottomans puis les Britanniques. Pour autant, Bernard-Henri Lévy ne fait pas l’impasse sur l’événement de la « Naqba », l’expulsion massive de Palestiniens faisant suite à la guerre déclenchée par des armées arabes qui ont envahi Israël après le départ des Britanniques en mai 1948, ni sur les implantations des activistes juifs en Cisjordanie qu’il condamne, ni sur la politique et la personne de Netanyahou contestée d’ailleurs par la majorité des Israéliens.

Pour évoquer la situation actuelle d’Israël, la vague d’antisémitisme qui épargne peu de pays, Lévy convoque l’histoire. Il lui faut alors revenir loin en arrière, Babylone, Rome, les bûchers de l’Inquisition, la Shoah, les complicités d’une grande partie du monde arabo-musulman avec le nazisme, celle du grand mufti de Jérusalem, cet ami d’Hitler, à qui il apporta son soutien dans sa politique d’extermination des juifs, la participation de légions arabes aux côtés de l’Allemagne et des puissances de l’Axe. Difficile de taxer Lévy d’islamophobie, qui en revanche n’oublie pas de rendre hommage à l’admirable roi du Maroc qui protégea les juifs de son royaume, aux milliers d’Arabe et de Berbères qui se sont battus dans les rangs de la France Libre, aux Palestiniens engagés dans l’armée britannique. Comme il serait difficile d’accuser de « génocide » Israël quand on a sous les yeux l’image de ce jeune enfant gazaoui soigné par un cancer dans un hôpital de Jérusalem.

Le scandale absolu

Comment, comme tous les spectateurs impuissants qui chaque fois devant leur écran, ont sous les yeux les civils gazaouis, hommes, femmes et enfants tués sous les bombes et les obus, Bernard-Henri Lévy pourrait-il ne pas être bouleversé par la tragique réalité de cette guerre déclenchée par le Hamas. Juif ou Gazaoui, un enfant qui meurt est le scandale humain et « métaphysique » absolu. La grande Barbara, d’origine juive, l’a exprimé à sa façon dans une de ses chansons : « Car un enfant qui pleure, qu’il soit de n’importe où est un enfant qui pleure / Car un enfant qui meurt au bout de vos fusils est un enfant qui meurt / Que c’est abominable d’avoir à choisir entre deux innocences. » À propos des morts civiles, a-t-on oublié qu’en France, entre 1940 et 1945, 1570 villes ont été bombardées, qu’il y a eu 68778 civils de tous âges tués, et plus de 100000 blessés ? Par les Allemands ? Non, par les Alliés, par les aviateurs américains et anglais contraints de réduire en ruines nos villes, au sein desquelles était caché l’ennemi nazi. Faillait-il stopper l’avancée des Alliés, décider d’un cessez-le-feu pour aller discuter avec Hitler ? Autres chiffres : civils allemands tués lors d’un seul bombardement sur la ville de Hambourg : 37000 ; et pour ce qui est de la Seconde Guerre mondiale : 60 millions de civils sont morts.

L’effroyable pogrom de ce jour fatidique du 7 octobre 2023, déclenché par le Hamas, a paradoxalement et, hélas, pour conséquence d’accentuer un peu plus cette « solitude d’Israël » redoutée par Lévy, et de mettre en péril les juifs du monde entier. Les terroristes du Hamas n’ont, à ce jour du 11 avril où j’écris ces lignes, toujours pas libéré les otages qu’ils retiennent dans leurs tunnels et continuent leur guerre en se faisant un bouclier humain du peuple Gazaoui où sont, sous les bombes, Palestiniens musulmans et chrétiens.


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