Bernard-Henri Lévy (BHL pour les plus branchés) ne laisse manifestement personne indifférent. L’initiateur de la Nouvelle philosophie a en effet le don de susciter les passions et les controverses. Ses amis le trouvent génial. Lui aussi sans doute. Ses ennemis, et ils ne manquent pas, le vouent aux gémonies. Lui qui sait tout mieux que quiconque et prend un malin plaisir à distribuer bons et mauvais points avec un ton péremptoire exaspère, irrite. Parfois, l’hostilité peut être farce.
De passage mercredi à Bruxelles pour présenter son dernier livre Les Aventures de la liberté, une histoire sur les intellectuels pleine d’infamie mais aussi de noblesse, Bernard-Henri Lévy a eu la fâcheuse surprise d’être entarté alors qu’il donnait une conférence à l’Université Libre de Bruxelles. Selon des témoins, BHL n’aurait guère apprécié ce troisième attentat-pâtissier commis contre sa personne en Belgique. On le saurait à moins. La rançon de la gloire, probablement.
Cheveux en bataille, manche droite relevée à mi-bras, manchette gauche dépassant négligemment du pull, BHL reçoit coup de fil sur coup de fil dans sa chambre d’hôtel. Celui qui philosophe comme d’autres font de la prose multiplie en effet les contacts pour pouvoir s’envoler au cours du week-end vers la Turquie. Ensuite, direction Kurdistan avec pour seul compagnon son baluchon.
« J’irai en Irak dans l’espoir d’interroger les uns et les autres afin de comprendre et d’alerter encore un peu plus l’opinion internationale.
– La communauté internationale bouge-t-elle suffisamment en faveur des Kurdes ?
– Moi, je croyais naïvement, comme les Kurdes d’ailleurs, que l’on avait fait la guerre du Golfe pour la démocratie et pour le droit. Or, on a tout simplement fait la guerre pour le pétrole. Alors moi, je ne marche pas. Moi j’ai plaidé pour cette guerre mais en pensant que c’était la guerre du droit et de la démocratie. Et maintenant, j’ai l’impression d’une gigantesque hypocrisie. Parce qu’on se fout des Kurdes. Parce qu’ils n’ont pas de pétrole. Mais je crois qu’il y a là une émotion internationale qu’il importe de prolonger, de ne pas laisser s’éteindre.
– Les Palestiniens, un autre peuple qui suscite une émotion internationale, mais guère plus ?
– Je suis partisan que l’armée israélienne ne s’enlise pas indéfiniment dans une situation coloniale. Je suis donc partisan non seulement qu’Israël libère les territoires, mais surtout qu’Israël se libère des territoires. D’autant qu’il y a peu d’exemples d’un mouvement national qui s’éteint naturellement. La revendication palestinienne ne s’éteindra pas. Donc il faudra lui donner d’une manière ou d’une autre satisfaction. Les exigences de la sécurité d’Israël me semblent néanmoins prioritaires, et ne doivent pas être sacrifiées.
– Croyez-vous que l’on soit proche d’une solution ?
– Je ne crois pas. Les pays arabes n’ont pas plus envie qu’Israël, et peut-être moins, de régler le problème palestinien. Israël a besoin de régler le problème palestinien parce que c’est une source de belligérance, parce que c’est la source fondamentale du malaise dans lequel vit Israël. Les pays arabes ont par contre tout intérêt à ce que le problème palestinien demeure, comme ils y ont eu intérêt depuis 1948, depuis la création des camps de réfugiés. N’oublions pas que les arabes ont entretenu l’existence des camps.
– Israël est aussi critiqué pour être peu pressé à résoudre la question palestinienne.
– Le jour où l’on pensera qu’Israël est l’éternel fauteur de troubles dans la région, le jour où les éditorialistes l’écriront, c’est que l’on ne sera pas loin d’une nouvelle vague antisémite en Europe. Le thème des Juifs belligènes fauteurs de guerre, c’est le thème éternel de l’antisémitisme. Relisez Céline. »
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