La volonté de pureté est dangereuse ; elle l’a prouvé, elle le prouve maintenant : de ce paradoxe, Bernard-Henri Lévy organise une démonstration en faisant un tour du monde qui est un tour de notre histoire en vue de conjurer les périls pour demain. Aussi bien, l’histoire n’est pas finie, contrairement à la conclusion péremptoire d’un Japonais que des admirateurs un peu pressés ont traité comme un voyant. Rien que pour avoir redit que c’était une fausse grande idée, on féliciterait Bernard-Henri Lévy.

Mais la pureté ? Cette vertu qui peut faire les justes ou les saints ? Le désir qu’on en a, porté par un vecteur idéologique et par une machine politique, exploite la passion intolérante du fanatisme, l’assurance doctrinaire qui distingue les intégrismes. Intégrisme est le mot clé de Bernard-Henri Lévy, la peste qu’il a diagnostiquée dans les organismes toujours pas vaccinés que sont les peuples de partout. « Maximum de pureté, maximum de barbarie », écrit-il après avoir évoqué le phénomène fantastiquement sanguinaire nommé Pol Pot. Les totalitarismes ont absolutisé des « essences pures » : la race, le prolétariat, en s’appuyant sur la force, l’endoctrinement, le mépris des individus.

Purges staliniennes, épuration qui élimine l’ennemi et l’impur, purification ethnique et génocide, toutes les techniques de nettoyage y passent. On prétend à l’ordre parfait et c’est l’utopie ; on brandit la vérité ultime. Pas de liberté là où règne l’appareil à imposer le vrai, et sur cette crête brûlante se situent les démocraties ; elles n’existent que par le débat et la contradiction. Bernard-Henri Lévy, dont on connaît la pugnacité dans la revendication d’une fonction originale et nécessaire de l’intellectuel, qu’il magnifie volontiers, adopte cette position en perpétuel recherche d’équilibre et réclame que l’intellectuel attise le débat, fomente la révolte, se serve de la pensée comme d’une arme de guerre.

Pour articuler le pouvoir globalisant de l’intégrisme il rapproche les lieux d’explosion : la Bosnie, l’Algérie, le Rwanda ; il aborde l’islam et les crispations religieuses avec leurs traductions politiques ; il s’applique à démonter, par un même délire de pureté, ce qu’on a pris l’habitude de nommer « populisme ». L’intellectuel se donne-la tâche de « penser » monde et histoire et s’en acquitte à sa manière qui est brillante, fort d’une argumentation soignée ; mais on ne se défend pas du sentiment que, parfois, la thèse obéit à une systématisation contraignante. L’essentiel est la hauteur du propos et la désignation du danger.


Autres contenus sur ces thèmes