Bernard-Henri Lévy monte au créneau avec sa générosité légendaire, signe d’une noble passion. Invité hier soir à Reims par l’école supérieure de commerce et la librairie Guerlin-Martin, il a animé une conférence sur le sujet de son dernier livre paru chez Grasset : La pureté dangereuse.

Tels les preux chevaliers d’antan qui partaient en croisade, le philosophe pourfend dans cet essai la démangeaison de purification qui s’empare des nations et les conduit, naguère, au nazisme ou, aujourd’hui, au génocide des Bosniaques et à l’intégrisme musulman. Il met d’ailleurs dans le même sac fascisme et fondamentalisme : « Cette assimilation a choqué. Mais le fascisme est une variante de l’intégrisme puisque l’un comme l’autre ont la même volonté de cureter. »

L’intellectuel dénonce ce désir exacerbé de pureté qui fonctionne comme « une machine à tuer ». Il ne l’admet que s’il s’exerce de manière personnelle et non collective : « C’est le plus noble des sentiments, la plus belle des passions mais pas quand elle devient la formule d’une société. Les catholiques l’ont bien compris : dans un monastère chacun peut se purifier dans la communion avec soi ou avec Dieu mais quand on élargit le monastère à la dimension de la cité, c’est le drame ».

Sombre mais pas désespéré

L’ouvrage semble avoir été écrit d’un seul jet comme un cri de révolte, une irréversible nausée qui jaillirait du cœur. Et pourtant son auteur l’a longuement couvé en lui, pendant neuf mois, après avoir pris conscience peu à peu, à la suite de déclics successifs, « de notre époque de chaos, de ces turbulences, de ce tourbillon de fin de siècle en crue ».

Des mots à la sonorité métallique d’armes et de boucliers s’exhalent de la bouche de ce brillant orateur qui fustige d’autres maux, « l’incroyable veulerie de l’Occident face à la Bosnie, l’aveuglement de nombreux commentateurs face à ce qui se passe dans l’ex-URSS, l’alibi tribal du génocide au Rwanda » et de manière générale « la décomposition spirituelle de nos sociétés ».

En dépit du tableau ténébreux qu’il brosse, Bernard-Henri Lévy garde « l’espérance chevillée au corps » : « Il faut maîtriser cette colère et donner des clés. C’est un livre sombre mais pas désespéré » conclut-il en sachant que tôt ou tard il reprendra la parole avec son ardeur chevaleresque.


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