On connaît le mot de Lénine, apocryphe mais si juste : « il y a des décennies où rien ne se passe et il y a des semaines où des décennies se produisent ».

Eh bien c’est très exactement ce qui s’est produit, et se produit encore, dans le Proche-Orient et au-delà, entre l’attaque aux bipeurs piégés du 17 septembre et la déroute, depuis le 29, au Liban, du Hezbollah.

Une armée terroriste, plus puissante que ne le furent Al-Qaïda et Daech réunis, durablement amoindrie et, pour l’heure, décapitée…

Le régime iranien, dont elle était l’avant-garde, le joyau de la couronne ou, pour filer la métaphore bolchevique, le capital le plus précieux, affaibli par une défaite qui, venant après le bombardement de son ambassade en Syrie, l’exécution d’Ismaël Haniyeh, chef du Hamas, en plein Téhéran et l’échec de son offensive générale, le 17 avril, contre Israël, apparaît, pour la première fois depuis presque un demi-siècle, sur la défensive, fragile…

Les ports de Hodeïda et de Ras Issa, dans l’ouest du Yémen, ciblés par une escadrille d’avions de chasse après que les houthis, autres marionnettes des ayatollahs, ont commis l’erreur de frapper l’aéroport Ben-Gourion où venait d’atterrir le Premier ministre…

Le Liban en voie de décolonisation…

Oui, le Liban, ce pays glorieux qui fut celui d’Adonis et de Gibran, qui émerveilla Nerval, Lamartine et Chateaubriand et qui fut longtemps un exemple de cosmopolitisme et de tolérance, n’était plus qu’une colonie de l’Iran, un pion dans sa stratégie impériale et, de ce fait, un État failli – voilà l’étau qui se desserre et le peuple libanais qui, s’il le veut, peut reprendre son destin en main…

Israël respire…

Les femmes iraniennes sourient…

Ce qui reste de démocrates en Syrie se souvient que le Hezbollah était en première ligne dans le massacre, par Bachar el-Assad, de centaines de milliers d’entre eux et l’on assiste, à Idlib, à des manifestations de joie…

Les familles des 58 parachutistes français et des 241 marines américains tués lors du double attentat au camion-suicide de 1983, les survivants des attentats de 1986, à Paris, contre le magasin Tati, le Pub Renault, la Préfecture de Police, le RER, le TGV Paris-Lyon, j’en passe, estiment, comme Joe Biden, que justice est rendue…

Bref, le monde libre, le vrai, celui qui va de New York, Paris et Rome aux foules qui, de Téhéran à Ankara et de Moscou à Pékin et Kaboul, ne se résignent pas à vivre sous des dictatures imbéciles et sanguinaires, respire un peu mieux et perçoit les signes d’un possible basculement.

Alors, bien sûr, rien n’est joué.

Le Hezbollah a des dizaines de milliers de missiles toujours pointés sur Israël.

Et l’Histoire ayant, comme disait Marx, et pour rester encore dans le même registre métaphorique, plus d’imagination que les hommes, les « cinq rois » que sont l’Iran, la Russie, l’Internationale islamiste, la Turquie et la Chine ne sont, tant s’en faut, pas sans ressource.

Mais les Israéliens ont donné une leçon de détermination et de courage.

Ils ont pris à revers les munichois d’Europe et d’Amérique répétant comme des disques rayés « désescalade ! désescalade ! » et oubliant que, selon tous les théoriciens de la guerre juste et, après eux, selon Clausewitz, il y a des états du monde où l’escalade est, hélas, nécessaire.

Et ils ont rappelé qu’il y a des moments de l’Histoire, quand votre survie (Israël) est en jeu, quand des peuples entiers (le Liban donc, la Syrie, le Yémen, les Kurdes d’Irak et de Syrie) sont pris en otage et menacés, quand la stratégie du compromis est interprétée par l’ennemi (jadis l’Allemagne nazie, aujourd’hui l’Iran) comme une invitation à frapper plus durement encore, au-dedans comme au-dehors – il y a des moments, donc, où l’un de ces actes forts que les pleutres appellent « escalade » peut renverser le cours des choses, redessiner la carte des puissances et sauver des vies.

Tsahal a agi seule puisque telle est, aujourd’hui, sa situation.

Mais elle l’a fait, contrairement à ce que répètent partout les stratèges en chambre fustigeant un « Israël désormais hors de contrôle », avec mesure et sans hubris.

Elle a brisé les capacités opérationnelles d’un État dans l’État qui terrorisait le monde et a mis tout en œuvre, comme elle l’a toujours fait, pour épargner, tant que faire se peut, les civils innocents.

Et puis, comme chacun devrait le savoir depuis la chute des grands empires et, récemment encore, de l’URSS, les dictatures ont horreur, non seulement de l’échec, mais de l’humiliation extérieure qui les laisse nues face à leurs opposants de l’intérieur – en sorte qu’Israël est peut-être en train d’exaucer, en Iran même, le rêve des républiques d’Occident, des pays arabes modérés et, encore une fois, des héroïnes de la démocratie qui défilent, depuis deux ans, à Téhéran, aux cris de « femme, vie, liberté ».

Pour ces raisons, les alliés d’Israël doivent urgemment se ressaisir et l’aider, non seulement à se défendre, mais à l’emporter.


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