Jouer cartes sur table. En les retournant toutes, les plus intimes comme les plus inavouables. Sacrée partie de poker. Plus question de tricher, l’heure est venue de se mettre en danger. La star médiatico-intellectuelle, « le roi des cabots, l’égocentrique absolu, le spécialiste du tirage de couverture à soi », bref BHL en trois lettres, ne supporte plus la caricature médiatique qu’il est devenu. Il se retire sur son Aventin, cette ville mythique et hantée : Tanger. Dans les ruelles de la Médina, cet écorché vif livre une confession émouvante et un combat nécessaire : mettre à mort cette marionnette devenue le double de lui-même et qui ne lui ressemble plus. À l’heure de passer le Cap Horn de la maturité, un homme décide de réduire la part de comédie en lui. Lucide, il sait qu’il est son premier ennemi. Courageux, il paie ses dettes. Alors, il va devoir tordre le cou à ses pudeurs. Le déclic de ce qui ressemble plus à une mise en question qu’à une mise en scène, c’est ce qu’il appelle le « bide bang », l’échec de son film : Le Jour et la nuit, tourné au Mexique avec Alain Delon et Lauren Bacall.
Lui qui n’a jamais su faire de littérature avec ses propres sentiments, se met à nu, reconnaît ses erreurs, s’analyse avec sévérité. L’écriture est incisive, les mots durs, l’observation sans concession : « Ce cabot, ce robot, cet imprécateur pantinisé par les télés, emmagasiné par la presse people, ce philosophe sur papier glacé dont je ne ferais à aucun prix mon ami, et que, plus grave encore, je ne lirais pas s’il n’était moi, ce moi qui est moi sans l’être, qui me ressemble et que je déteste, je ne le trouve pas exactement odieux mais pathétique. » Cinéma ! Lanceront ses indéfectibles détracteurs. Pourquoi ne pas lui laisser le bénéfice du doute, autrement dit celui de la sincérité ? S’il connait la rage et la colère, il n’est pas homme de haine. S’il s’interroge sur les « grands silencieux », ces écrivains adulés qui viennent à la télévision pour expliquer qu’ils n’ont rien à dire, ce n’est pas tant pour attaquer des confrères que pour dénoncer une société du paraître. En fût-il une figure de proue ? Sans doute, mais n’est-ce pas là la paresse de notre époque, qui trouve tellement plus facile de coller une image et de ne plus en démordre ? C’est pour y échapper qu’il a été séduit par « la tentation Ajar » : comme Romain Gary, « devenir un autre pour redevenir soi, fabriquer un fabuleux mensonge pour refaire entendre sa vérité ». BHL a choisi la vérité. Seule.
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