Un rêve traverse chaque page du dernier livre de Bernard-Henri Lévy, un rêve impossible, celui d’un orateur accompli qui, arrive au bout de son éloquence, n’aspire plus qu’au silence. L’auteur égrène au fil de son récit autobiographique, intitulé Comédie, les différents personnages que son don naturel pour la parole l’a empêché d’incarner, ne fût-ce qu’une fois dans son parcours d’intellectuel tribun. Le bègue, l’aphasique, le grand silencieux viennent à tour de rôle frapper à la porte de la marionnette BHL qui s’agite dans le ventre du philosophe. Mais la marionnette ne peut rien contre ces figures tourmenteuses. Le combat est inégal : c’est ce qu’elle nous suggère à la moitié de l’ouvrage, laissant au lecteur le soin de partir ou de rester, spectateur impuissant d’une mise à mort programmée.
« Médiatique aujourd’hui, c’est comme sioniste hier, vipère lubrique avant-hier, fasciste avant-avant-hier : le péché capital, l’injure suprême », tempête l’écrivain, avant d’ajouter : « Il n’y a qu’une posture tenable désormais. Une case gagnante, et une seule. C’est celle du retrait vertueux, un peu glaireux, mais affiché – c’est celle des Blanchot, Le Clézio, Des Forêts. »
La plume ventriloque de l’artiste maudit, exilé à Tanger le temps d’une confession écrite, redouble d’effets rhétoriques pour raconter sa lutte sans merci avec la caricature qu’elle est devenue. Avant de revenir à Paris évoquer en direct le sentiment d’injustice né de l’échec d’un film tourné au Mexique, qu’une critique assassiné a privé de carrière.
Taraudées par une inguérissable blessure narcissique, la vie et l’œuvre de Bernard-Henri Lévy semblent désormais condamnées à se confondre dans une longue lamentation sans ponctuation, sans le moindre espace entre les phrases, les mots, les lettres. Une manière, si l’on veut, de racolage essoufflé sur fond d’éloquence perpétuelle.
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