Je rêvais depuis longtemps de pouvoir questionner à ma manière Bernard-Henri Lévy.
J’ai pu le faire. Mon souci était de le voir répondre non seulement à mes interrogations intellectuelles ou même philosophiques mais à ma curiosité plus prosaïque.
Sur son attitude au quotidien face aux hostilités, voire aux haines que sa personnalité et ses actions multiples suscitent chez certains. J’ai désiré l’entendre sur les reproches qui lui étaient faits la plupart du temps : d’être un privilégié, un milliardaire, un homme d’affaires !
Avec les limites que j’avais fixées à notre dialogue, j’ai été séduit par son intelligence, sa profondeur, la qualité de son oralité, son écoute et son extrême courtoisie. Celle-ci m’a d’autant plus frappé que dans les joutes politiques et médiatiques auxquelles il se livre volontiers, il ne laisse pas forcément apparaître une telle urbanité.
Ce qui m’a plu est de pouvoir mettre en lumière, grâce à sa parfaite complaisance, en quelque sorte le BHL de tous les jours, sur le plan des idées comme sur celui du travail, de l’écriture et de la découverte du « terrain ».
Et sur sa vision du bonheur et du futur.
Sur son interventionnisme à l’étranger ou la Libye :
« Un écrivain qui décide de se mêler un peu des affaires de la Cité et qui ne décide pas d’aller mettre le fer dans la plaie, d’aller mettre le doigt là où ça fait mal, d’aller se mêler des questions les plus brûlantes, alors, il sert à quoi ? Si c’est pour aller dans le sens du consensus, ça ne sert à rien. »
« Je crois que c’est noble et légitime de faire des Droits de l’homme le cœur de la politique. Mais il y a d’autres cœurs, par exemple l’affrontement de la civilisation et la barbarie. C’est encore pour moi le cœur de la politique. La barbarie, c’est l’islamisme radical par exemple, ou c’est les débordements de l’idéologie poutinienne. Ça, j’appelle ça de la barbarie et la bataille contre ça, j’appelle ça la politique. »
« Je suis étreint par le doute en permanence […] je ne suis pas sûr du tout que les gens que j’aide à venir au pouvoir [en Libye] seront des démocrates, je ne suis pas sûr qu’ils seront infiniment mieux que le colonel Kadhafi et ses gangs, je ne suis pas certain que les islamistes dans la bataille qui va s’ouvrir après la chute de Kadhafi ne vont pas l’emporter. »
Sur la gauche :
« Je considère être avec mon ami André Glucksman parmi ceux qui ont contribué à guérir toute une partie de la gauche française de la maladie du marxisme-léninisme. »
« Je n’aime pas ce qu’est devenue la gauche, je n’aime pas ce qu’est devenu la droite […] Je n’aime pas la gauche qui a fait alliance avec la France Insoumise qui est pour moi un parti qui est sorti de l’arc républicain par son antiparlementarisme, par son antisémitisme, par son analphabétisme aussi parce que savoir, ça fait partie du respect des électeurs ! Je n’aime pas ce qu’est devenu la droite… J’aimais bien M. Barnier, je trouvais qu’il avait de l’allure. Je trouvais que c’était un bon Premier ministre. Ce n’était pas mon choix. Je suis plutôt de gauche que de droite, mettons… mais enfin cela n’a plus autant de sens que jadis… »
« Je n’aimerais pas que, par la force de l’arithmétique électorale, le pouvoir soit entre les mains du Rassemblement National que je n’aime pas davantage que LFI pour des raisons voisines et différentes. Parce que je les trouve également violents, populistes, faux amis de leur pays, trop indulgents à l’égard des gens qui veulent du mal à notre pays commun – je pense à Poutine, je pense à Bachar Al-Assad, je pense aujourd’hui à Trump »
« Une partie de l’Assemblée nationale ne nous fait plus honneur. LFI brandissant des drapeaux palestiniens à l’Assemblée ne nous fait plus honneur ! »
Sur l’avenir :
Après Nuit Blanche, le philosophe révèle qu’il aimerait s’attaquer à ses mémoires : « J’aimerais écrire mon Lièvre de Patagonie. » [ndlr : livre de Claude Lanzmann]
« La question de l’époque où nous entrons, la question de la post-vérité, la question des fake news, la question des deepfake, la question des nouvelles technologies, c’est celle-là : qui veut encore la vérité ? Ce qu’il se passe aux États-Unis est extrêmement inquiétant puisque l’on a affaire à une oligarchie extrêmement puissante qui n’a plus pour désir la vérité. Qui a le désir d’autre chose. Si cela devait devenir la règle, cela nous ferait entrer dans un âge nouveau de l’humanité. »
Pour voir la vidéo de l’entretien de BHL par Philippe Bilger : cliquer ici
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