Bernard-Henri Lévy a jusqu’au 27 mai, date limite du dépôt des candidatures, pour décider s’il présentera aux élections européennes une liste « Sarajevo ». Ce soir, au cours d’une réunion publique à la Mutualité, le réalisateur de Bosna ! devrait interpeller les principaux animateurs des listes de la majorité comme de l’opposition pour juger de leur volonté de placer au centre du débat européen la question de la Bosnie. « Si leurs réponses n’étaient pas satisfaisantes », le directeur de La Règle du jeu pourrait se lancer dans la bataille avec un certain nombre d’intellectuels mais aussi Antoine Sanguinetti et, pour conduire cette liste « Sarajevo », Léon Schwartzenberg, député européen depuis 1989 qui n’a pas été retenu sur la liste Rocard.
La majorité, le PS et le président de la République lui-même ont réagi hier, plutôt vivement aux propos de l’intellectuel. Non pas qu’ils lui dénient le droit de concocter une autre liste, ni de laisser exploser sa colère mais plutôt parce qu’ils jugent malvenues les mises en cause dont ils se sentent l’objet.
« Bouillie »
François Mitterrand a répliqué, sans citer nommément BHL, en parlant des « voix sincères qui s’élèvent » mais que « parfois la passion égare ». Le chef de l’État a déclaré : « J’observe que ceux qui mettent en accusation les pouvoirs exécutifs se gardent bien d’évoquer l’autre terme de l’alternative à la négociation internationale. L’autre terme de l’alternative, qu’est-ce que c’est, sinon la guerre ? »
Le président a insisté : « La responsabilité qui est la mienne, et celle du gouvernement, est de faire avancer la négociation dans un sentiment de justice pour que se crée l’état de droit auquel nous aspirons. Et si l’on parle de faire autre chose, c’est la guerre. Si la France était prête à faire la guerre, je ne connais pas d’autres États qui se joindraient à elle. » M. Mitterrand a alors fait valoir que, dans cette hypothèse, il faudrait « envoyer quelque 150 000 hommes pour faire la guerre et imposer une autre loi à ceux qui se combattent ».
Numéro deux de la liste RPR-UDF, Hélène Carrère d’Encausse parle « d’injustice à l’égard de notre politique, étant donné ce que la France a fait et qui est considérable ». « Je ne vois pas, nous a-t-elle expliqué, ce que l’on pourrait faire de plus. La France mène une vraie politique active, elle entraine l’ensemble des autres pays de la Communauté pour trouver des solutions. Je suis en total accord avec cette politique et je suis plus portée à appuyer cette action qu’à participer au meeting qu’organise Bernard-Henri Lévy. L’historienne que je suis sait qu’il est rare que l’on sorte d’une guerre avec des propositions électoralistes. » Mais, ajoute-t-elle néanmoins, « il est toujours bon d’agiter les esprits. »
Sur ce point, Jean Glavany, porte-parole du PS, la rejoint : « Tout intellectuel a bien le droit d’interpeller l’opinion surtout quand il a le talent d’une grande mise en scène. » Mais il reproche au philosophe une certaine « malhonnêteté intellectuelle : on ne peut pas, explique-t-il, dire tout et n’importe quoi sur un sujet suffisamment tragique, se perdre dans une bouillie pour les chats idéologique ». « Les socialistes, tempête-t-il, n’ont de leçon à recevoir de personne et leur liste est en pointe dans ce combat. »
La tonalité est plus cordiale du côté des radicaux de gauche et des écologistes. Jean-François Hory juge qu’il est temps aujourd’hui pour combattre « le réalisme de ceux qui se résignent, de tenter de penser plus audacieusement ». Yves Cochet, numéro deux de la liste des Verts, qui sera lui-aussi à la Mutualité, applaudit l’initiative de Bernard-Henri Lévy. « Nous partageons les mêmes préoccupations, dit-il, mais peut-être est-il trop défaitiste vis-à-vis de la communauté internationale. »
Avec Jean-François Hory, il sera à la Mutualité ce soir. La liste RPR-UDF sera représentée par Bernard Stasi et la liste socialiste par Jean-Pierre Cot. Une forme déjà de réponse à Bernard-Henri Lévy.
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