« Le Festival a toujours été politique », répète volontiers, d’année en année, Thierry Frémaux, le délégué général du plus grand festival du cinéma mondial. 2025 n’y déroge pas : c’est l’habituel grand écart entre le glamour des stars sur les marches du Palais et le réel le plus concret et le plus dur.
Dès l’invasion russe de 2022, le Festival a choisi son camp : le soutien à l’Ukraine. La 75e édition avec Vincent Lindon en président du jury s’était ouverte avec le président Volodymyr Zelensky, en liaison vidéo depuis Kiev, convoquant l’esprit de Charlie Chaplin face à la guerre. Le Festival annonçait alors que tant que la guerre durerait, il n’accueillerait pas de « représentants officiels russes, des instances gouvernementales ou des journalistes représentant la ligne officielle » russe.
Le « Jour de l’Ukraine »
C’est le cas. Et les voix dissidentes sont amplifiées au Festival. Cette année encore. Le cinéaste ukrainien Serguei Loznitsa est en compétition pour Deux procureurs, un film sur les purges staliniennes dont l’écho renvoie à la répression intérieure de Vladimir Poutine. Le cinéaste russe en exil Kirill Serebrennikov est sélectionné, dans la section Cannes Première, pour La disparition de Josef Mengele.
Pour appuyer encore plus clairement son engagement, le Festival proclame son ouverture 2025, ce mardi 13 mai, « jour de l’Ukraine ». Avec la projection de trois films consacrés à la guerre en Ukraine, sur les événements et les figures clés du conflit. Zelensky d’Yves Jeuland, Lisa Vapné et Ariane Chemin retrace le parcours de Volodymyr Zelensky, de son enfance soviétique à Kryvyï Rih à son ascension comme leader ukrainien, entre humour et chaos post-indépendance. Notre Guerre de Bernard-Henri Lévy et Marc Roussel, tourné en 2025 sur les fronts de Pokrovsk et Soumy, suit les combattants de la Brigade Anne de Kyiv et les civils sous les bombardements russes, mêlant journal de guerre et flash-backs depuis 2014. À 2 000 mètres d’Andriivka de Mstyslav Chernov, le journaliste oscarisé de 20 jours à Marioupol, suit une mission périlleuse d’un peloton ukrainien pour libérer Andriivka, saisissant l’épuisement et la détermination des soldats au cœur des combats.
« Ce “jour de l’Ukraine” vient rappeler l’engagement du Festival de Cannes et sa capacité à raconter grâce aux œuvres de cinéma les enjeux du monde, qui sont ceux de notre avenir », affirme le Festival, qui avec ses partenaires, France Télévisions et Brut, entend « porter les voix de celles et ceux qui témoignent des réalités contemporaines et s’engagent pour la vérité ».
Fracas des armes et guerre commerciale
Le conflit israélo-palestinien s’invite aussi à Cannes. À l’ACID, Put Your Soul on Your Hand and Walk de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi rend hommage à la photojournaliste palestinienne Fatem Hassona, tuée en avril 2025 par une frappe israélienne. Deux expositions de ses photos sont prévues, au Majestic et au Marché du film. À la Quinzaine des cinéastes, Yes de l’Israélien Nadav Lapid explore les lendemains du 7 octobre 2023 à travers un musicien chargé de composer un nouvel hymne national.
Une autre guerre, la guerre commerciale, alimente déjà les conversations en coulisses de Cannes : les tarifs douaniers du président américain Donald Trump sur le cinéma, à propos desquels règne la plus grande confusion, nul ne sachant très bien comment ils vont s’appliquer et quelles en seront les effets délétères.
L’attentisme et l’inquiétude sont de mise. Pour Gaëtan Bruel, président du Centre national du cinéma (CNC), les positions de l’administration Trump « créent un profond malaise en Europe ». Si les droits de douane visant le cinéma sont maintenus, il prédit que « tout le monde serait perdant, à commencer par l’industrie américaine elle-même. L’Europe, et la France en particulier, sont des marchés majeurs pour les œuvres américaines ». Les films américains représentent environ 60% des contenus consommés en Europe.
Réseaux sociaux officiels