Le Vatican, combien de divisions ? C’est la question qu’on ne pouvait manquer de se poser, ce dimanche 18 mai, après la messe inaugurale du nouveau pape, face aux images du président Zelensky en conversation avec le vice-président américain J. D. Vance. Le même J. D. Vance qui l’avait traité avec tant d’insolence, il y a deux mois, dans le Bureau ovale. Le même grossier personnage qui avait tenté d’humilier, et quasi expulsé de la Maison-Blanche, le Churchill ukrainien. Et, là, soudain, cette poignée de main apparemment chaleureuse… Ce sourire mielleux… Ce regard apaisé et, sur une autre image, en présence de Léon XIV, presque extatique… Et peut-être, si l’on en croit des fuites dont la source ne semble pas être à Kyiv, ce début de changement de cap ou, en tout cas, de rééquilibrage de la position américaine… D’aucuns parleront de miracle. Ou des vertus de l’Esprit saint. Ou comme, il y a quelques semaines, lors des obsèques du pape François, et de la rencontre improvisée entre Trump lui-même et Zelensky, d’une spiritualité obscure à l’œuvre dans les affaires du monde. On notera surtout, ici, que Giambattista Vico n’avait pas tort, dans la Scienza nuova, de voir au Vatican l’une des capitales où se conservent le sens et le goût du temps long. Ni Machiavel d’observer, au temps de la querelle des guelfes et des gibelins, que c’est la cité où s’invente, pour une grande part, cet « art noble » qu’est l’art diplomatique. Reste à savoir ce que se diront vraiment, tout à l’heure, quand ce bloc-notes sera sous presse, Trump et Poutine et s’il existe ou non, entre eux, un pacte qui résiste à tout – y compris à la sagesse, à la bonté et à l’ambition d’un souverain pontife américain. À suivre.
On se souvient du même J. D. Vance venant, à la conférence de Munich, sermonner les Européens, leur donner une leçon de liberté d’expression et plaider, en réalité, pour les partis populistes, souverainistes ou fascisants qui s’emploient, depuis quelques années, à défaire l’héritage de Jean Monnet, de Robert Schuman et d’Alcide De Gasperi. Il avait en tête l’AfD allemande. Sans doute le Rassemblement national français. Mais il insista surtout sur le cas de la Roumanie où l’on venait, un peu plus tôt, d’annuler une élection présidentielle dont le candidat d’extrême droite, épaulé par une ingérence russe tous azimuts, venait de remporter le premier tour. Scandale, avait dit Vance… L’ingérence, la vraie, est celle, insista-t-il, des « agences de renseignements » des « voisins continentaux » de la Roumanie… Et Elon Musk, alors au faîte de son influence, de renchérir sur X : « la Roumanie mérite sa propre souveraineté ! »… Et Pavel Durov, le sulfureux fondateur de Telegram, d’insinuer, à la veille du scrutin, que c’est la France d’Emmanuel Macron qui s’était immiscée dans l’élection. Eh bien l’élection a eu lieu. Et c’est l’autre bonne nouvelle de la semaine : le candidat centriste et pro-européen, fort d’une mobilisation sans précédent et d’un taux de participation historique, l’a finalement emporté. Le peuple contre les réseaux sociaux. Le parti de Zelensky contre celui de Poutine et de Trump. Et, face au défaitisme européen, l’esprit de 89, le nôtre, celui, il y a trente-cinq ans déjà, de la chute du mur de Berlin et, comme disait Milan Kundera, de la libération de l’Europe captive. C’est mieux qu’une bonne nouvelle, c’est une victoire.
À Jérusalem, pour ouvrir le Festival international des écrivains. J’avais annulé, il y a deux mois, ma participation à une conférence contre l’antisémitisme où j’avais compris que seraient mis à l’honneur des représentants de cette extrême droite que soutiennent Vance et Poutine et que j’essaie, moi, de combattre partout ailleurs. Raison de plus pour honorer ce rendez-vous et venir redire, comme chaque fois que l’occasion m’en est offerte, mon attachement à Israël et à cette pierre blanche de Jérusalem qui, comme disait Benny Lévy, m’apaise et me rend heureux. Le souffle de Jérusalem… Ces collines qui ont, un matin, il y plus de cinquante ans, surgi pour la première fois devant moi… Ce ciel dont Joseph Kessel disait qu’il n’est jamais vraiment au-dessus des têtes, mais à droite, ou à gauche, ou plus bas, ou plus haut… Ce mur de toutes les larmes que j’ai, à la même époque, et pour la première fois encore, vu avec les yeux fiévreux du général Moshe Dayan qui venait de le libérer… Mes souvenirs de Benny Lévy fondant, avec Alain Finkielkraut et moi-même, un Institut d’études lévinassiennes… Le grand intellectuel Yeshayahou Leibowitz m’expliquant à la fois que la ville était une maison de prières pour les soixante-dix nations et qu’elle était la seule d’Israël à être ontologiquement non négociable… Amos Oz, membre fondateur de La Règle du jeu, méditant sur le sens de la parole talmudique voulant que deux Justes – par exemple un Israélien et un Palestinien – « ne tiennent pas forcément le même langage »… Et Gaza ? Et les deux ministres d’extrême droite du gouvernement Netanyahou ? Et les insoutenables images des morts civils palestiniens ? Bien sûr. C’est de cela, aussi, que je parlerai ce lundi soir 19 mai. Je n’ai, en vérité, jamais cessé d’en parler depuis le premier jour de cette guerre voulue et poursuivie par les pogromistes preneurs d’otages du Hamas. Et j’ai moins que jamais l’intention de me dérober.
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