Etre agacé par Bernard-Henri Lévy, le moquer, le détester même, est devenu une figure presque imposée de notre république intellectuelle. Que vient faire cet homme nanti, écrivain raffiné, habillé comme un prince, sur les terrains les plus pauvres de la planète où il donne à voir la misère du monde avec un art consommé de la mise en scène ? Cette critique, lancinante, dévitalisée par sa résurgence mécanique à chaque publication de l’intéressé, suspecte dans ses intentions réelles, n’a heureusement pas eu raison d’un homme qui, malgré les sarcasmes, n’a jamais varié d’un pouce sur ses engagements. Ce nouveau livre le prouve une fois encore. Extraits.

Normale Sup 

« Cette figure de l’agrégé que la Convention avait en tête quand elle décréta, en 1794, l’établissement, dans le cloître de pierre de taille où était jusqu’alors le Muséum d’histoire naturelle de Paris, d’une école où seraient “regroupés”, venus de “toutes les parties de la République”, les professeurs les plus habiles pour “enseigner l’art d’enseigner” nous paraissait le prototype de ces grands techniciens serviles que veut s’attacher tout pouvoir : le visage même de la mort de la pensée, de la mort de la générosité, de la mort de la vie et, au fond, de la mort tout court. Les uns partirent s’établir en usine. Les autres s’en allèrent, qui au Venezuela, qui à Cuba, pour faire la révolution. Je pris pour ma part le chemin du Bangladesh et des Indes rouges pour, plusieurs mois durant, m’efforcer d’accompagner la naissance d’une Nation. »

Guerres oubliées 

« Je me souviens d’une conversation, à la fin de l’été 2000, avec Edwy Plenel, alors directeur de la rédaction du Monde, à qui je proposais une série sur les guerres oubliées. Il n’aimait pas trop l’idée que pût exister des guerres que le grand quotidien national de référence aurait “oubliées”. Et il allait me falloir quelques jours pour démontrer à son directeur, Jean-Marie Colombani, et à lui, documentation et pièces à l’appui, qu’il existait pourtant bien des guerres, et même de longues guerres, dont les morts se comptaient par centaines de milliers et auxquelles leur journal n’avait consacré, depuis des années, que des dépêches. Des guerres apparemment absurdes… Des guerres sans promesse, sans cohérence et sans épiphanie… »

« Je ne suis pas journaliste » 

« Je ne suis pas journaliste, je n’ai avec cette activité que la ressemblance d’un homonyme – et ce, pour une raison simple. Je ne suis pas journaliste puisque mon parti pris est inverse et que je ne pars jamais en reportage sans avoir la ferme intention d’intervenir dans ce que je verrai et de toucher à ce que je montrerai. »


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