C’est à Palanca, frontière avec la Moldavie, que nous sommes entrés en Ukraine. Un professeur de civilisation française, Alexandre Garachuk, nous attend de l’autre côté, sous la tente bleu et blanc où transite le flot des réfugiés. Avec son regard espiègle et sa crinière blanche en bataille, avec sa façon de dire, en se présentant, qu’il n’a jamais très bien su s’il était ukrainien, polonais, lituanien, juif, allemand ou français, il est l’illustration de cet esprit d’Odessa que Pouchkine définissait comme un heureux mélange de cosmopolitisme, d’humeur libertaire et d’ironie. En une heure, nous avons franchi la dizaine de check-points, faits de croisillons de fonte mis en quinconce et de montagnes de sacs, bourrés de sable et tenus par des murs de béton, qui filtrent tout ce qui entre. Et nous voilà, avec Gilles Hertzog et Marc Roussel, mes compagnons d’équipée, dans la troisième ville d’Ukraine, la plus littéraire, la plus brillante et, aujourd’hui, en sursis. Nous logerons dans une maison discrète, face à la mer, non loin du port et de ses grues géantes. À nos pieds, au bout d’un sentier qui serpente entre les acacias, la plage en demi-lune est entièrement minée. Face à nous, visible à la jumelle et, par temps clair, à l’œil nu, mouille l’escadre russe qui tient la ville sous blocus avant, quand le décidera Poutine, de la noyer sous les bombes : 14 navires, dont une corvette lance-missiles Buyan-M, deux navires de débarquement amphibie type Ropucha, des bateaux démineurs et le navire amiral « Moskva ».
Notre premier geste : retourner, au cœur de la ville historique, dans cet Opéra où j’étais venu, en 2014, an 1 du soulèvement de Maïdan, interpréter ma pièce plaidant pour l’entrée de l’Ukraine dans l’Europe. L’Opéra, hélas, est fermé. La Deribasovskaya, l’avenue piétonne qui y mène et qui était alors noire de monde, est vide. Et toutes les rues adjacentes, dont j’avais tellement aimé les façades pastel et défraîchies, les porches néoclassiques où grimpent les sycomores, la langueur méridionale, sont couvertes de barricades où campent les volontaires de la Défense territoriale en uniforme. Ce sont souvent de très jeunes gens qui n’avaient jamais tenu une arme de leur vie. Et l’on sent un mélange de détermination, d’anxiété et, quand ils contrôlent un écrivain étranger sans carte de presse, de fébrilité incrédule. « Les agents doubles pullulent », s’excuse Volodymyr, un ancien barman parlant anglais et qui, contrairement à ses camarades, se laisse interviewer. Ils sont, certes, moins nombreux qu’autrefois. Et, à la grande surprise du Kremlin, qui ne doutait pas qu’Odessa, russophone, serait le couronnement de son rêve impérial, la guerre a soudé la ville comme jamais. Mais il en reste. Ils veulent Poutine. Et ils comptent sur des commandos d’infiltrés qui sont là depuis des mois, ont loué des appartements, pris un travail, se sont fondus dans la population et attendent le signal. L’unité de Volodymyr en a arrêté deux ce matin. On en a neutralisé trois, la semaine dernière, dans le quartier de la gare, après plusieurs heures de combat de rue. « Prenez garde, me dit-il. Ce sont des assassins. Ils sont nulle part et partout. »
Avec Maksym Marchenko, gouverneur militaire de la ville, nous nous sommes retrouvés non loin de la statue du duc de Richelieu, descendant du Richelieu de Louis XIII et premier gouverneur, en 1803, de la ville fondée par l’impératrice rouge, Catherine II. J’ai connu Marchenko, il y a deux ans, dans le Donbass, où il commandait la 28ème brigade mécanisée. Il est natif de Sloviansk et, avec son air de centurion au visage de moujik, il n’a pas ce côté anar, un peu bandit et volontiers Robin des bois qui, depuis Bénia Krik, le « roi d’Odessa » d’Isaac Babel, appartient à la légende de la ville. Mais le président Zelensky l’a nommé là parce que c’est un bon soldat et qu’il faisait partie, sur le front du Donbass, des commandants qui n’étaient pas dupes de la fable poutinienne des séparatistes « menacés de génocide » et « secourus » par l’armée russe. « Vous voyez, me dit-il lorsque nous arrivons au pied de la statue, ces sacs que nos jeunes sont allés, sur les plages, remplir de sable et de cailloux ? » Je vois en effet que la haute silhouette de bronze, qui domine les 192 marches du célèbre escalier du « Potemkine », a disparu sous un amoncellement de sacs blancs qui lui font comme une armure. « Eh bien, poursuit-il, le gouverneur Marchenko veille sur le gouverneur Richelieu qui veille lui-même sur Odessa. Je voudrais que votre pays veille avec nous et qu’il nous livre les canons et, surtout, les avions qui seuls repousseront une attaque imminente qui viendra depuis la mer, les airs et la terre. Et il ajoute, citant, au mot près, le général de Gaulle : N’y a-t-il pas un pacte séculaire entre Odessa et la France ? »
Direction Mykolaïv, la ville martyre dont la résistance acharnée, à 120 kilomètres à l’est, verrouille depuis trois semaines l’accès terrestre à Odessa. Nous franchissons une position fortifiée qui, avec ses nombreux commandos, pour certains cagoulés, tient plus de la ligne d’attaque que du checkpoint. Puis une autre, sur la route côtière, perdue dans la plaine caillouteuse, où nous voyons des lance-missiles à lunette télescopique, de type Javelin ou NLAW, dont certains sont déjà à l’épaule et les autres stockés sous des tentes kaki montées entre des blocs de parpaing. Et puis une autre encore, de nouveau vers le nord, improvisée, où il est prévu que Vitaliy Kim, l’héroïque gouverneur de Mykolaïv, vienne à notre rencontre. Hélas, coup de téléphone. Les bombardements s’intensifient. Il ne peut pas sortir. Ni nous, selon lui, entrer. Et s’engage alors, dans un bâtiment administratif à l’abandon, une conversation à distance mais d’une intensité bouleversante. Kim est là, avec sa doudoune ouverte sur son gilet pare-balles, sa bonne tête d’administrateur civil forcé de faire la guerre sans l’aimer et, en fond sonore, le fracas des obus. « Les Russes reculent, commence-t-il. Ils manquent de vivres et de munitions. Leurs chaînes logistiques sont coupées. Alors, bien sûr, reste l’aviation… » La ligne se brouille. Ça coupe. Je rappelle. « Oui, ils ont cessé d’avancer. Et nos bataillons passent à la contre-attaque. Le prix humain, pour nous, sera terrible. Ils n’hésiteront pas à tirer leurs missiles stratégiques de pointe. Mais nous gagnerons cette bataille. Et nous sauverons Odessa… » Dieu fasse !
Tout le monde, en Occident, s’alarme du possible recours, par un Poutine devenu fou, à l’arme nucléaire. Mais il y a bien plus simple. Voici, à Yuzhny, sur la côte, à quelques kilomètres des avant-postes de la brigade 28, une gigantesque usine. C’est l’Odessa Port Factory. Elle est à l’arrêt. Mais elle produisait, jusqu’à ces derniers mois, le quart de l’ammoniac et de l’urée du pays. Et, si une moitié des cuves, celle qui appartenait aux compagnies ukrainiennes, a été évacuée aux premiers jours de la guerre, l’autre moitié, propriété d’une société américaine, est toujours là. Négligence ? Proximité des canons russes ? Parce que les eaux sont minées et que les bateaux-citernes US n’y ont plus accès ? Le commandant de la brigade, Vitali Huliaiev, n’a pas la réponse. Mais imaginons, dit-il, un tir ennemi. Intentionnel ou pas. Ou intentionnel mais déguisé en accident ou attribué aux Ukrainiens. Il y a là, dans ces silos verts de cent mètres de haut, de quoi polluer toute la région. Pire que Tchernobyl, insiste-t-il. Pire que la centrale de Zaporijia, que les Russes ont attaquée, le 4 mars, mais qui est dotée de coupe-circuits et de systèmes de sécurité qui circonscriraient l’accident. Et pire, avec le même type de produits hautement toxiques que l’explosion de Beyrouth, dont l’onde de choc, en août 2020, parvint jusqu’à Chypre. C’est le dilemme tragique des Odessites. Il faut vaincre Poutine. Mais ils savent que, lorsqu’il sera vaincu et n’aura plus rien à perdre, sa dernière carte sera celle-là. Viva la muerte.
Mauvaise nuit. À deux reprises, la babouchka de service est venue frapper à nos portes. Mugissement des sirènes… Enfiler un vêtement… Descendre dans la chaufferie qui, avec ses chaises de plastique et ses cartons de vivres, fait office d’abri… Et, très vite, sur les écrans de nos portables, des traits de feu qui strient le ciel noir et semblent cisaillés en vol… Au petit matin, débriefing avec Serguei Bratchuk, du quartier général des forces ukrainiennes à Odessa. Un missile Kalibr, tiré depuis la mer, est tombé sur un faubourg et a fait des dégâts matériels. Un deuxième qui visait, à Velikodolinskoe, depuis les airs, le centre de télécommunications de l’armée, a raté sa cible. Et cinq autres ont été interceptés par le dôme de fer ukrainien. Si je comprends bien, les systèmes de défense antiaérienne de la 160ème brigade d’artillerie, avec leurs vieux missiles sol-air S-300, fonctionnent. Et peut-être cette série d’attaques, chaque nuit, après le couvre-feu, sert-elle à les tester et à repérer leurs positions. Mais ce qui manque cruellement, ce sont les moyens de détruire les missiles de croisière tirés depuis la flotte russe venue de Crimée. Odessa dispose de vecteurs antinavire Neptune, de fabrication ukrainienne. Mais ils sont lents. Faciles à neutraliser. Et d’une efficacité moindre que les Harpoons transhorizon, à longue portée, produits par Boeing, et que seuls les Américains et les Britanniques pourraient fournir. Des Harpoons pour Odessa ?
Petro S., sociétaire de l’Opéra, est l’un des vieux camarades qui m’avait accueilli en 2014. Son quartier est infesté d’agents à la solde de Poutine. Il reçoit des menaces de « vengeurs masqués » prétendant lui faire payer le drame qui a vu, à l’époque, 48 manifestants prorusses périr dans l’incendie de la Maison des syndicats. Alors, il est parti se mettre au vert. Et c’est ici, dans une petite datcha des environs de Myrne, à mi-chemin de la frontière moldave, qu’il nous a donné rendez-vous. Cette affaire de Maison des syndicats est essentielle, explique-t-il, pour savoir ce qui se passe dans la tête de Poutine. N’a-t-il pas fait explicitement allusion, dans son discours du 21 février, trois jours avant l’invasion, au « frémissement d’horreur » que lui inspire, aujourd’hui encore, « la terrible tragédie d’Odessa » ? Et n’y présentait-il pas la traque des « criminels qui ont commis cette atrocité » comme l’un de ses quasi-buts de guerre ? Alors Marioupol, bien sûr. Mykolaïv, évidemment. Mais le gros morceau, la reine des batailles, la cerise sur son gâteau de sang, ce sera, selon lui, Petro, la prise d’Odessa. Et ce pour les raisons géostratégiques que chacun connaît (en s’emparant de son plus grand port, affamer l’Ukraine et s’assurer le contrôle de la mer Noire); mais aussi pour des raisons symboliques (cette ville joyau, cette perle, que tous les Grands-Russes voient comme un Saint-Pétersbourg du Sud, l’arraisonner une fois pour toutes). Nous quittons Petro. Mais à peine sommes-nous parvenus au premier checkpoint à l’entrée d’Odessa qu’il nous transfère une vidéo : l’image d’un obus qui vient, quinze minutes après notre départ, tout près de la jolie église orthodoxe aux bulbes d’or, de tomber sur… Myrne !
À quoi ressemblent les dommages faits par l’un de ces missiles Grad ou Kalibr que les Russes déversent sur les villes d’Ukraine ? Il ne faut pas aller bien loin pour le voir. Nous sommes à la périphérie de la ville, au cœur de l’ancienne zone industrielle. Et, au bout d’une rue défoncée et complètement déserte où la raspoutitsa, le dégel, n’a pas encore eu le temps de fondre la neige et de la transformer en boue, un paysage d’apocalypse. Il y avait là une usine de matériel ménager. Il n’en reste, sur un hectare, qu’un amas de décombres. Des portes de fonte encore debout, mais dans le vide, et gondolées par la violence de la déflagration. Et, parfois, dans ce pandémonium de tôles, de poutrelles et de pylônes d’acier fondu par l’incendie, un sèche-cheveux ou un cuiseur de riz. Pourquoi pareille dévastation, se demande le gardien des lieux, aux paupières rougies de fatigue et au regard éteint ? Un test encore ? Un acte de terrorisme aveugle visant à nous faire fuir ? Ou, l’usine ayant abrité, du temps de l’URSS, un entrepôt militaire, les services russes ont-ils juste trente ans de retard ? J’ai, pour ma part, une hypothèse que je lui soumets. Et si ce bombardement insensé relevait de la haine pure ? Et si Odessa, ce concentré de civilisation, de culture et de beauté, avait dans l’imaginaire du méga-sniper Poutine la même place que Sarajevo, jadis, dans celui des Milosevic et autres Mladic ? Rage contre les villes et ce qu’elles représentent. Fureur urbicide. Éternel retour, sous le ciel bleu de colère, de l’antique barbarie.
J’ai appris à Sarajevo que la victoire appartient, non au nombre des armées, mais à leur moral et à l’endurance des citoyens. Eh bien c’est la même chose à Odessa. Et si l’assaut tarde à venir, c’est peut-être à cause de ceci. Nous sommes dans les bâtiments du groupe Tchornomorya, géant de l’édition et de la presse ukrainienne, que la guerre a mis à l’arrêt. Des volontaires de tous âges, des femmes pour la plupart, sont accroupis devant de hauts grillages où, avec des vieux vêtements découpés en fines lamelles et apportés par les habitants de tous les quartiers, on fabrique des filets qui vont servir de camouflage pour les barricades et les tanks de la ville. Et, passé ces filatures immenses d’où monte soudain, pour se donner du cœur à l’ouvrage, l’hymne ukrainien, puis au bout d’un tunnel qui vient rappeler qu’Odessa est la ville au monde qui s’enorgueillit du plus long labyrinthe de catacombes, voici un atelier d’un autre type où une classe d’étudiants en histoire, à la lumière d’une lampe unique suspendue à la voûte, fabrique des cocktails Molotov à la chaîne. Une bouteille vide. Un doigt d’acétone. Une dose d’huile de voiture. De l’essence. Une sorte de peau de chamois qui sert de bouchon. Un fil de fer qui sertit le goulot. Et une feuille d’aluminium pour stocker les explosifs en attendant que les fourriers des régiments viennent les chercher. Ces gavroches à la voix enrouée par les vapeurs d’essence, ces enfants du paradis et, pour l’heure, de l’enfer, ont à peine 20 ans. Ils étudiaient l’histoire. Ils la font.
Dans une halle, à l’entrée de la ville, transformée en aire de stockage pour l’aide humanitaire, nous avons retrouvé deux des tisserandes, des Parques, de l’autre jour. Nous leur avons dit la chance que c’est, pour l’Ukraine meurtrie, d’être présidée par ce jeune Churchill qu’est devenu Zelensky, comédien victorieux et qui ne veut pas devenir martyr. Elles nous ont interrogés sur l’histoire de la Résistance et de la Révolution dont Paris fut le théâtre mais dont quelque chose, à leurs yeux, revit dans cette ville si éminemment française qu’est Odessa. Et, à un moment, joignant le geste à la parole, je leur propose de nous accompagner jusqu’à la rue Richelieu où nous allons taguer sur une ligne de blocs de béton, à la peinture jaune et bleue, couleurs de l’Ukraine, ce « Liberté, égalité, fraternité » qui a fait le tour du monde mais dont leur pays, mieux qu’aucun autre, connaît aujourd’hui le prix. Nos amies applaudissent. Les volontaires de faction, d’abord méfiants, se sont approchés et retirent leurs gants à trois doigts pour faire des selfies. Les derniers habitants du quartier mettent le nez à la fenêtre et lancent des « Vive la France » mêlés aux « Slava Ukraini ». On ironisera, à notre retour, sur ce geste. Mais, pour eux, les Odessites, ces trois mots simples résument tout. Et les voir inscrits, ne serait-ce que quelques heures, par une main amie, au cœur de leur ville en sursis, est un humble baume sur une souffrance qui semble sans fin.
La question de l’antisémitisme est l’une des plus brûlantes qui se posent à l’Ukraine. Et elle l’est tout particulièrement ici, à Odessa, où les Juifs formaient, avant la Seconde Guerre mondiale, la moitié de la population et ne sont plus que 40000. Nous sommes au Mémorial de l’Holocauste, rue Prokhorovska, dans l’ancien quartier juif de Moldavanka. C’est un monument étrange réunissant cinq silhouettes squelettiques, aux pieds entravés dans une couronne de barbelés et qui paraissent prises dans une danse macabre. Et c’est, y menant, une allée de bouleaux symbolisant, chacun, l’un des Justes qui ont hébergé et sauvé des Juifs. Car, demande Roman Shvarcman, l’homme qui nous accueille et qui est l’unique rescapé encore vivant de cette Shoah par balles : « Savez-vous que l’Ukraine est, selon les registres de Yad Vashem, l’un des quatre pays à compter le plus grand nombre de Justes parmi les nations ? » Il a dit cela doucement.
Tristement. J’attendais l’un de ces personnages hâbleurs, truculents, qui ont fait la mythologie juive d’Odessa. Mais non. C’est un vieil homme accablé. C’est un monsieur chétif, serré dans un manteau de laine noire et qui porte sa survivance comme un honneur et un fardeau. Et, soudain, au milieu du récit des massacres qui suivirent, en octobre 1941, l’entrée des troupes roumaines, ce petit homme modeste se met à pleurer. Sur ces Justes dont il est le gardien ? Sur les morts dont il est le tombeau ? Sur sa solitude de survivant qui passe ? Ou sur la folie des hommes qui recommence – avec un fantôme de Hitler qui, en prétendant « dénazifier l’Ukraine », a le front de se draper dans la mémoire des victimes ? Je ne sais pas. Un reporter canadien, qui a une conception bizarre de la confraternité, a posté sur les réseaux sociaux une photo qu’il a prise, à mon insu, du gouverneur Marchenko et de moi. Et la twittosphère, arguant du fait que le gouverneur commanda, de 2015 à 2017, une unité de partisans, le bataillon Aidar, où l’on trouvait une poignée de nationalistes d’extrême droite, s’est emparée du cliché pour troller qu’un intellectuel juif s’affiche avec un néonazi… Répondre que rien, chez le Marchenko que je connais et que j’ai, à deux reprises, interviewé, ne justifie cette accusation ignoble ? Que le lot de toutes les résistances, à commencer par celle de la France occupée, est, à leurs débuts, de faire feu de tout bois et d’incorporer jusqu’aux repris de justice, aux réprouvés et aux pires têtes brûlées ? Que je trouve infâmes les donneurs de leçons prétendant mieux savoir que Zelensky qui est le gradé le mieux désigné pour défendre une ville symbole ? Je le ferai à mon retour. Mais, pour l’heure, les choses s’emballent. Une chaîne de télévision de Moscou, Russia 1, diffuse un montage me dépeignant comme un « ange de la mort » qu’il faut traquer et chasser de la ville. Et un groupe de « patriotes russes » va jusqu’à créer une page Facebook qui met ma tête à prix et offre un million de roubles à qui m’éliminera. J’ai l’information qui me manquait et qui, le légendaire humour d’Odessa reprenant ses droits, met nos compagnons ukrainiens en joie. Les organes de propagande du Kremlin perdent les pédales. Et un million de roubles ne valant plus qu’une poignée d’euros, la preuve est là que les sanctions marchent et que la Russie a perdu. Ma journée est faite. Je quitte le dernier cap de l’Europe. En priant les dieux qu’ils épargnent mes amis d’Odessa.
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