Simone Veil et Bernard-Henri Lévy
Il est peu de dire que Bernard-Henri Lévy ne fut jamais du même camp politique que Simone Veil. Relisez, pour vous en convaincre, son bloc-notes du 19 avril 1997 : alors qu’elle a pointé le « silence des intellectuels » sur la terreur islamiste qui sévit en Algérie, il la renvoie à ses « amis du gouvernement » qui n’ont, pour répondre à cette terreur, « pas de politique du tout ». Mais, dans le discours qu’il prononce, le 18 novembre 2007, à Paris, à l’occasion de la remise à Simone Veil du prix Scopus, Bernard-Henri Lévy évoque les cinq raisons pour lesquelles elle reste pour lui « une conscience, une sorte d’étoile fixe » :
- Parce que « c’est la Française qui, avec Claude Lanzmann, a tenu bon sur l’idée de singularité de la Shoah ».
- Parce que « c’est l’Européenne qui, avec Primo Levi, nous a enseigné de ne pas céder sur le devoir de mémoire ».
- Parce qu’elle nous donne « une leçon de sérénité et de paix » à la fois sur « la question des justes » et sur « la question du rapport avec les chrétiens » : elle pense, en effet, « que face aux dangers qui menacent, face aux mauvais présages qui s’accumulent, juifs et chrétiens sont, non pas adversaires, mais alliés ».
- Parce qu’elle croit à « une Europe dont les deux piliers doivent être la France et l’Allemagne dans la mesure, et dans la mesure seulement, où son socle sera le souvenir, le plus jamais ça, d’Auschwitz ».
- Parce qu’enfin « elle appartient à cette tradition dont parle Levinas dans le texte de Difficile liberté consacré à Léon Brunschvicg et qui s’appelle le judaïsme français ».
Bernard-Henri Lévy à propos de Simone Veil
« Simone Veil, [c’est] l’histoire malheureuse de l’Europe. Elle [est] sa mauvaise conscience – la victime, en même temps que l’héroïne, lumineuse et glorieuse, de l’Europe sombre. »
Questions de principe VII : Mémoire vive, Le Livre de Poche, 2001, p. 378.
« [Dans Une vie] Simone Veil nous dit d’abord qu’elle n’est pas religieuse et que, petite fille, elle était déjà horrifiée par ceux qui prétendaient qu’il fallait croire en Dieu pour bien se conduire.
Et elle nous dit, ensuite, qu’elle est à la fois sans illusions et optimiste – qu’elle a, à Auschwitz, perdu ses illusions mais qu’elle n’y a perdu, pour autant, ni son goût de vivre ni celui de se battre.
Sans illusions et, pourtant, ne renonçant pas à changer le monde…
Sans illusions et, justement parce que le ciel est vide, prenant le siècle à bras le corps…
Quand elle dit cela, quand elle dit qu’elle est “à la fois sans illusions et optimiste”, elle parle comme la grande sagesse biblique obsédée, non par la présence, mais par la rareté de Dieu.
Elle parle comme ces rabbins qui, justement, parce que Dieu, après avoir créé le monde, s’en est retiré et l’a abandonné, concluent qu’il n’a qu’eux, le monde, pour ne pas se décréer et ne pas tomber en poussière.
Elle est fidèle à cette tradition juive humaniste, universaliste, laïque qui fut celle, en 1925, de cette poignée d’intellectuels qui voulurent votre Université et qui en firent ce lieu de savoir et de morale. »
« Pour saluer Simone Veil », discours prononcé le 18 novembre 2007, à Paris, à l’occasion de la remise à Simone Veil du prix Scopus de l’Université hébraïque de Jérusalem, repris dans Questions de Principe XI : Pièces d’identité, Grasset, 2010, p. 1198.
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