L’intellectuel écrivait Jan Patocka est celui « qui se tient sur la ligne de front » : depuis quatre mois, depuis le début de l’équipée sanglante de Vladimir Poutine contre le peuple ukrainien, il est un intellectuel européen qui n’a pas ménagé sa peine et qui, chaque jour, s’est tenu aux côtés de ce peuple martyr : Bernard-Henri Lévy. Force est de reconnaître, qu’on partage ou non ses options : BHL a mis tout son talent au service de la cause ukrainienne. Malraux immortalisa la geste des combattants anti-franquistes de la Sierra de Teruel ; BHL dans son nouveau film, magnifie, entre autres, Zelensky, dont il dresse le portrait d’un « président courage », parvenu à s’exhausser au-dessus de lui-même, à un degré supérieur de conscience et d’existence.

Impossible de résumer ici la richesse déflagrante de ce film grave et beau : notre éditorialiste Hélène Schoumann, qui va le voir, va vous le raconter par le menu. Disons au lendemain de la visite conjointe à Kiev d’Emmanuel Macron, d’Olaf Scholz et de Mario Draghi – coup d’éclat ou coup d’épée diplomatique dans l’eau ? –, que ce long métrage prend un relief particulier.

La condition historique n’est pas une position d’omniscience : ne sait ce que les quatre mois qui viennent réservent à ces valeureux et ces braves dont le philosophe a partagé le quotidien, aux quatre coins de l’Ukraine ; nul ne sait combien de temps leur bourreau, saisi par l’hybris, mènera contre eux sa guerre totale ; ce qui est sûr en revanche, c’est que le romantisme de BHL n’est jamais désespéré : dans la nuit des guerres oubliées, il cultive la lueur infime de la fiole d’espérance. A-t-il tort ?

À chaque moment, ses tests de vérité : pour beaucoup, le siège cruel imposé en 1993 par la Grande Serbie milosevicienne à la ville multiethnique de Sarajevo fit époque. Trente ans après, suggère le philosophe, il se pourrait bien que le destin du monde libre se joue identiquement à Marioupol, à Irpin, à Boutcha, à Mykolaïv et dans toutes ces petites bourgades « urbicidées » par la barbarie. « Leur guerre est notre guerre, leur défaite serait notre défait »…

Si les images que BHL rapporte de ces quatre mois d’épreuve paroxystique n’en prennent que davantage de force persuasive et performative, si elles condamnent l’indifférence, le repli cynique sur son Aventin, de même que cette propagande poutinienne avide à présenter les Ukrainiens comme les adeptes d’un nazisme imaginaire, une question demeure pendante, lancinante : « Combien de temps encore de ce carnage insensé ? »


Autres contenus sur ces thèmes