Création du prix Colette
En 1989 le prix Colette est créé. Bernard-Henri Lévy, avec Edmonde Charles-Roux, Jean d’Ormesson, Philippe Sollers, Françoise Mallet-Joris, Pascal Quignard, Jacques Chessex, Erik Orsenna et Anne Jouvenel l’héritière de Colette, fait partie du jury. La Fondation Armleder dote le lauréat d’une somme de 140 000 FF, le prix Colette récompensant « une œuvre de fiction de langue française choisie pour ses qualités de style ».
Ainsi, en 1989, François Sureau obtient le prix pour La Corruption du siècle. Puis ce seront Hervé Guibert pour À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, Marc Lambron pour La Nuit des masques et Yves Bergers pour L’Attrapeur d’ombres, qui se verront récompenser.
Salman Rushdie lauréat
En 1993, lors du Salon internationale du livre et de la presse de Genève, le jury, crée le scandale en choisissant de récompenser Salman Rushdie pour son livre Les Versets Sataniques. Ce geste de soutient littéraire répond à la fatwa, soit la condamnation à mort, lancée à l’encontre de Rushdie par l’ayatollah Khomeiny en Iran.
Dans son Bloc-notes du Point, BHL raconte :
Nous voulions, avec Edmonde Charles-Roux, donner le prix Colette à l’auteur des Versets sataniques, et comme le prix se donne à Genève et que Genève est, par tradition, ville d’exilés et de proscrits, nous avions, en secret, prévu de l’y faire venir. Seulement voilà : Genève est une ville pour Lénine et Trotsky, pour Joyce et pour Borges, c’est la ville d’Albert Cohen et de Simenon, d’Amiel et de Godard – mais ce n’est pas celle de Salman puisque, je l’apprends à l’instant, Swissair refuse de le transporter et le canton de le protéger.
Lors d’un entretien avec Jean-Michel Olivier accordé à la Tribune de Genève, il ajoute :
Il y a là comme un défi que nous adressent les intégristes, et dont je ne suis pas sûr que nous l’ayons relevé, en France comme en Suisse. Rappelez-vous quand nous avions donné le prix Colette à Salman Rushdie. Le tollé soulevé par une partie de la presse. Les problèmes posés par la visite de Rushdie à Genève. D’un seul coup, tous ces gens qui se couchaient par avance devant les diktats des intégristes ! Et chez nous, en France, les représentants de la famille de Colette, jugeant que c’était faire injure à sa mémoire que de donner le prix à Salman Rushdie, qui ont retiré leur nom, le nom de Colette, et nous en ont interdit l’usage.
En effet la ville de Genève refuse d’accueillir Salman Rushdie, et ainsi l’hommage qui doit lui être rendu n’a pas lieu pour de soi-disant raisons de sécurités. Le 6 mai 1993, au micro de la conférence de presse du prix Colette à Genève, Bernard-Henri Lévy déclare : « Je suis personnellement très très navré, très triste et très scandalisé par l’attitude des autorités genevoises. »
Salman Rushdie, dans son autobiographie Joseph Anton, raconte cet épisode :
Il reçut un message de Bernard-Henri Lévy. C’était une bonne nouvelle. On allait lui remettre un prix suisse très important, le prix Colette, remis à la Foire du livre de Genève. Il fallait qu’il se rende en Suisse la semaine suivant pour recevoir son prix lors d’une grande cérémonie qui aurait lieu à la Foire. Mais le gouvernement suisse déclara qu’il était un visiteur indésirable et dit qu’il refuserait de lui fournir une protection policière pendant sa visite. […] BHL fit un discours et déclara que la décision avait été prise à l’unanimité du jury. Sa présidente, Mme. Edmonde Charles-Roux, déclara que ce choix était fidèle à « l’esprit de Colette qui avait combattu l’intolérance ». Pourtant les héritiers de Colette furent très mécontents, probablement pas d’accord avec Mme. Charles-Roux pour dire que couronner Salman Rushdie était « dans l’esprit de Colette ». Ils exprimèrent leur mécontentement en refusant que le nom de Colette soit associé au prix à l’avenir. C’est ainsi qu’il devint le dernier lauréat du prix Colette.
Le prix Colette devient le prix Liberté littéraire
Dans la foulée, les héritiers de Colette retirant le nom de l’écrivain du prix, celui est rebaptisé prix Liberté littéraire.
L’année suivante, ce nouveau prix, qui compte pour jury Edmonde Charles-Roux, Françoise Mallet-Joris, Jacques Chessex, Jean d’Ormesson, Erik Orsenna, Bernard-Henri Lévy et Philippe Sollers, décerne deux nouveaux prix.
Le prix Liberté littéraire 1994, ex-prix Colette, a été décerné à Genève à l’écrivain algérien Rachid Mimouni pour La Malédiction et à l’écrivain français Daniel Rondeau pour Les Fêtes partagées. […] Rachid Mimouni, menacé par le FIS en raison de ses prises de position, dénonce dans La Malédiction, au travers de la fiction d’une grève insurrectionnelle, les thèses et comportements des intégristes musulmans. Daniel Rondeau est journaliste et écrivain. Les Fêtes partagées raconte ses rencontres avec une quarantaine de grands écrivains.
AFP, samedi 28 mai 1994.
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