Aux élections régionales, la France du pire a gagné la première manche.
Elle ne doit pas, dimanche prochain, gagner la seconde.
Un parti exécrable dirigé par une camarilla népotiste, riche en repris de justice et nostalgiques de l’esprit factieux, mettrait sous sa coupe plusieurs régions de notre pays ?
Dans sept jours, une fraction du territoire reviendrait aux descendants de Vichy, aux nostalgiques de l’Algérie française et de l’OAS, aux ennemis de toujours de la République et de la démocratie ?
Et nous devrions vivre à côté de cette pestilence, respirer jour après jour l’irrespirable ?
Et nous devrions accepter comme une fatalité cette vulgarité satisfaite et ignare qui ferait de notre pays la risée et la pitié de l’Europe ?
Et il faudrait se résigner à cette revanche posthume de Maurras, de Brasillach, de Pétain, des hommes qui ont voulu tuer le général de Gaulle, de cet éternel parti des haïsseurs de la France qui n’en finissent pas de la vouloir, la France, plus petite qu’elle-même, moins rayonnante, moins glorieuse ?
Et l’on consentirait, sans rien tenter, à ce qu’une, deux, peut-être trois ou quatre des régions les plus emblématiques du génie français soient présidées par des femmes et hommes qui, aujourd’hui encore, chaque fois que leur patrie se trouve engagée dans un conflit, chaque fois qu’elle envoie ses aviateurs ou ses forces spéciales risquer leur vie sur des théâtres d’action extérieurs, prend toujours, comme par hasard, le parti de l’ennemi : hier Kadhafi ou les destructeurs du Mali ; aujourd’hui Bachar el-Assad ; demain, ce qu’à dieu ne plaise, Poutine et ses provocations ?
Non, ce serait trop de honte, de malheur, de désordre.
Et il est encore temps, en ce lundi matin 7 décembre, pour peu que l’insurrection des consciences l’emporte sur les petits calculs, d’endiguer le flot qui monte.
Il y a quelques semaines, face à une autre forme de menace dirigée contre notre vivre-ensemble, nous avons fait preuve d’un esprit de résistance surgi des profondeurs et qui a stupéfié le monde.
Les choses ne sont, bien sûr, pas comparables.
Et l’on ne saurait mettre sur le même plan le nihilisme exterminateur de djihadistes qui tuent comme on déboise et la triste passion d’apprentis sorciers qui, retournant les formes de la République contre son esprit et son histoire, projettent de révoquer nos traditions d’hospitalité, la liberté de création de nos artistes et quelques-uns des droits que les femmes ont conquis de haute lutte.
Mais il y a là, pourtant, deux phénomènes qui se répondent.
Il y a là une haine jeune et une haine rance qui, apparemment aux antipodes, se regardent en miroir, se confortent et se conjuguent aux fins de bouleverser notre forme de contrat social et de dresser les Français les uns contre les autres.
Et c’est pourquoi je dis ceci.
Les attentats de janvier, puis ceux de novembre, ont provoqué un sursaut d’unité nationale qui renouait avec les plus riches heures de notre histoire.
Eh bien, au vote de plomb de ce dimanche doit correspondre une même réaction d’unité et de refus.
À la haine qui s’est dite dans les urnes il faut répliquer avec la même vigueur qu’à celle qui s’est dite dans le sang.
Et les mêmes qui, par millions, ont dit non au terrorisme et au drapeau noir doivent dire non à ceux qui altèrent l’esprit des lois, jouent avec le drapeau tricolore et l’usurpent – aux seuls personnages politiques qui, soit dit en passant, refusèrent, le 11 janvier, au lendemain des tueries de Charlie et de l’Hyper Cacher, de se mêler au flot humain qui descendit dans les rues de nos villes pour dire son rejet de la barbarie et son amour de notre civilisation.
Concrètement, cela signifie trois choses.
Les amoureux de la France, hommes et femmes de bonne volonté, tenants de l’esprit de tolérance et des trois motifs de la devise républicaine, doivent aller voter, plus nombreux, beaucoup plus nombreux, dimanche prochain.
Gauche et droite pour l’occasion et provisoirement confondues, ils ne devront avoir, en votant dans les régions menacées, que le seul et unique souci d’empêcher un quarteron d’aventuriers, ennemis de notre régime de souveraineté et de citoyenneté, d’accéder aux plus hautes fonctions locales.
Et leurs candidats se doivent, dès ce lundi matin, d’explorer et adopter les deux ou trois formules (désistement, fusion des listes, front républicain, peu importe…) qui, seules, permettront de barrer la route à ceux qui, deux siècles après Voltaire, un siècle et demi après la refondation de la République, croient à nouveau leur heure venue.
Aucune échappatoire n’est possible.
Aucun raisonnement, fût-il doctrinalement juste (la fusion, c’est la confusion… le FN se nourrit de l’extinction du débat et du différend politiques…), ne vaudra face à l’urgence (tout faire pour que le clan Le Pen ne prenne pas en otage, par exemple, les deux pôles, nord et sud, d’une France déboussolée…).
La responsabilité historique de la défaite annoncée incomberait, dans les appareils comme sur le terrain, aux femmes et hommes de peu de conscience qui auraient joué leurs ambitions et passions personnelles contre l’intérêt général.
La France, au terme de l’année terrible qu’elle vient de traverser, mérite mieux que le défaitisme.
Quelle pitié si, alors qu’elle s’est courageusement dressée contre l’ennemi extérieur, elle venait à céder à un ennemi intérieur qui, lui aussi, à sa façon, rêve de la voir à genoux.
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