J’ai connu Richard Avedon au milieu des années 80, à Paris, avec Nicole Wisniak. J’ai découvert cette photo, une dizaine d’années plus tard, dans son studio de l’Upper East Side, à New York, où nous dînions de nouveau tous les trois. M’avait tout de suite frappé, dans ce visage de Salman vu par lui, cette force sèche, cette foudre contenue et sans mots, cet air de défi tranquille qu’exprimaient, à l’époque, toutes les apparitions, interventions, performances de l’auteur des Versets, mais que j’avais rarement sentis aussi présents qu’ici. Salman, alors, avait des amis. Des intellectuels solidaires de lui. Des éditeurs, des traducteurs, qui faisaient relais ou rempart. Je m’étais dit, ce soir-là, qu’il avait aussi, désormais, Dick Avedon. Non pas que celui-ci ait, comme on dit sottement des photographes, « capté » ou « traduit » son défi, son esprit de résistance, sa force. Il les alimentait, en vérité. Il y ajoutait quelque chose qui venait du portraitiste autant que du modèle. Cette image n’était pas, autrement dit, un reflet mais un renfort. C’était moins un cliché qu’un autre acte d’insolence et de liberté. Une photo qui participe, comme telle, au combat contre l’intolérance, l’appel au meurtre, la barbarie ? Eh oui. Ce n’est pas fréquent. Mais c’est, ici, clairement le cas. Et c’est pourquoi je suis si reconnaissant à la Richard Avedon Foundation de nous avoir permis de l’intégrer à ce dossier. En hommage à Rushdie. En mémoire d’Avedon. En témoignage de leur très profonde, très miraculeuse, fraternité d’artistes vivants.
Avedon et Rushdie
Article paru dans La Règle du jeu, 30 septembre 2009
BHL évoque le portrait de Rushdie par Avedon. Une photo qui participe au combat contre l’intolérance, l’appel au meurtre, la barbarie ? Eh oui.
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