Bernard-Henri Lévy, auteur dramatique : une nouvelle casquette à ajouter à celles de philosophe (nouveau), romancier (à succès), directeur de revue (la très intello Règle du jeu), président de la Commission d’avances sur recettes du cinéma (encore pour quelques mois), monsieur-bons-offices des causes humanitaires (du Bangladesh à Sarajevo), vedette médiatique et accessoirement journaliste ? Ou bien un nouveau virage « engagé » après avoir fait le tour de tout le reste ?

« Plus je vais et plus je le définis comme un écrivain. Ce qui m’habite, m’obsède et qui me réconcilie avec moi-même, c’est la littérature ; si je m’écoutais, peut-être aurais-je tendance à m’y enfermer. » Et il assure même, malgré sa récente intervention en faveur de Salman Rushdie, vouloir prendre du recul par rapport aux « affaires ». Mais « un écrivain est aussi le témoin de son temps, n’est-ce pas ? Contraint de s’indigner, protester, prendre la parole. Même si ce n’est pas la partie de moi que je préfère, ni celle où je me sens le plus à l’aise. »

Alors, le théâtre politique, une façon de combiner plus confortablement le combat et l’écriture ? Car c’est d’une pièce politique qu’il s’agit. La première dans le répertoire français depuis celles de Sartre (lui préfère la référence à Thomas Bernhard). Une envie, en tout cas, qui lui trottait dans la tête depuis que, il y a dix-sept ans, le directeur de l’Atelier lui avait fait remarquer après lecture de sa Barbarie à visage humain, qu’il était « un auteur de théâtre ». Et là, tout à coup, en écrivant voici quelques mois, une suite à ses Aventures de la liberté, où il cherchait à exorciser, à la veille du XXIe siècle, les fantômes sulfureux qui avaient accompagné le XXe, il s’est aperçu que son texte prenait une forme théâtrale : « D’où la nécessité de présenter comme à la parade, comme dans un rêve, les spectres qui nous hantent, les anti-héros de notre siècle. »

Et d’où cette étrange histoire d’Anatole, un écrivain déchu (joué par Pierre Vaneck) et de Maud, son inquiétante assistante (Arielle Dombasle), qui veulent offrir au siècle finissant un spectacle qui le résumerait, à l’aide de quelques personnages clés : la dernière tenante de Lénine, l’ancien nazi pas tout à fait repenti, le Français « immobile », le prélat du Vatican quelque peu maffieux, l’intello fourvoyé, le rocker spécialisé dans le charity business, le héros chinois médiatisé.

La présence dans la distribution de sa chère et tendre Arielle ne risque-t-elle pas de fausser dans un sens ou dans l’autre le jugement de la critique et, par la même, le destin de sa pièce ? Et ce cri du cœur : « Sartre n’a-t-il pas écrit des pièces pour des actrices qu’il aimait ? De toute façon, c’était impensable : ma première pièce ne pouvait être montée, pour moi, sans Arielle. » Ni même écrite apparemment : « Il y a dans son personnage des choses d’elle, de sa façon d’être, des allusions intimes… » Aux spectateurs de deviner…


Autres contenus sur ces thèmes