Un premier roman, par définition, s’avère souvent nul ou inintéressant. Pas celui de Bernard-Henri Lévy, qui livre avec Le Diable en tête (Grasset), une œuvre mature, à la fois légère et dense, et dont les personnages traversent des périodes de l’histoire chargées, compactes, violentes et dures : le Paris de l’occupation, la Rome des Brigades rouges ou le Jérusalem des années 80. Par rapport aux jeunes romanciers, Bernard-Henri Lévy a l’avantage de l’expérience : le monde des idées lui a permis d’aborder le domaine romanesque avec hauteur, calcul et – surtout – la volonté de sortir la République des lettres d’un nombrilisme dans lequel elle a sombré durant les années 70 et dont elle se remettra difficilement, lorsque, plus tard, dans des manuels poseront sur elle un regard critique.

« Je voulais, explique Lévy en vacances dans notre région, écrire un roman cosmopolite et tentaculaire. Dès lors que je me faisais l’idée d’un écrivain rivalisant avec la création et avec Dieu, que j’ai fait mienne la phrase de Mallarmé selon laquelle “le monde est fait pour entrer tout entier dans un livre”, ainsi que la conception d’une littérature à vocation métaphysique, la moindre des choses consistait à ramasser, englober, croiser et conjuguer, dans la forme même du livre, l’histoire de la littérature. J’ai eu la tentation d’écrire tous les livres à la fois, dans toutes les langues à la fois et dans tous les genres littéraires : à la fois ; un roman qui soit lyrique, distant et intime, une éducation sentimentale en même temps qu’une histoire métaphysique, qui ait la forme d’un journal très littéraire et très écrit, mais aussi celle d’un interrogatoire parlé et trivial. Je suis loin du compte mais c’est ce qui fait qu’il ne s’agit pas d’un roman classique. »

Rendre hommage à Radiguet ou le périmer ?

En tout cas, les jurés du prix Médicis ne s’y sont pas trompés en choisissant Le Diable en tête. Bernard-Henri Lévy ne voulait que celui-là : « C’est le plus intéressant car c’est le seul qui pouvait reconnaître l’ambition proprement littéraire du livre. Je n’en avais pas besoin pour le vendre, car il était déjà en tête des best-sellers avant qu’il fût décerné. Mais il s’agit d’un beau prix. Le jury est composé d’écrivains éminemment responsables, comme Alain Robbe-Grillet, qui mériterait d’ailleurs d’être édité dans « La Pléiade », contrairement à d’autres à d’autres comme Hervé Bazin. Il s’agit en fait d’une consécration implicite de la dimension expérimentale et de recherche qui existe dans mon livre. »

Le titre du roman rappelle Le Diable au corps de Radiguet, mais Bernard-Henri Lévy avait fait le rapprochement avant tout le monde : « La vraie question est de savoir si dans mon économie inconsciente je l’ai appelé de cette façon pour rendre hommage à Radiguet ou pour le périmer. Pour ma part, je n’ai pas la réponse. »

L’expérience romanesque de Bernard-Henri Lévy ne s’arrêtera pas là, puisque le prochain est déjà en chantier, en même temps qu’un essai : « Je n’abandonnerai pas la philosophie et je continuerai de me poser les questions qui me préoccupent depuis toujours. »

Quant aux cinéastes, ils sont sur les rangs pour adapter Le Diable en tête ; Lévy parle déjà de Bertolucci.

« Des contacts ont été établis, confie-t-il. Il y a une chance sur deux pour que cela se fasse avec lui. »


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