Bernard-Henri Lévy a toujours le génie de savoir dire ce que nous ressentons sans savoir toujours l’exprimer. Nous en avons l’illustration une fois de plus avec Solitude d’Israël, son essai qui vise à poser une réflexion après les massacres du 7 octobre 2023 en Israël.
Ce fut tout d’abord un choc dans l’âme juive, un pogrom sans précédent depuis la Shoah, car les Israéliens se pensaient à l’abri, en sécurité, dans leur pays, Israël, et ils se retrouvent dans la peau de ce qu’ont vécu les Juifs de la diaspora depuis toujours. Puis ce fut un ébranlement de la conscience universelle et enfin une étape dans la guerre menée contre les démocraties par l’Iran, la Turquie, la Russie, la Chine et l’islamisme sous toutes ses formes violentes.
Et puis, après un souffle si court du soutien, l’opinion s’est retournée et a fait d’Israël l’accusé et les agressions antisémites ont explosé partout dans le monde. Rien ni personne ne sont épargnés, ni les bien-pensants, ni les experts qui commencent à expliquer et parfois à justifier le pogrom du 7 octobre, ni des politiques irresponsables, ni les universités américaines, ni les nôtres.
Sciences Po se trouve à devoir expliquer pourquoi une étudiante aurait été interdite d’entrer dans un amphi alors que la vraie question devrait être pourquoi un amphi est occupé illégalement et devient un lieu, non pas de débat, mais de propagande alors que la veille, dans le cadre du programme Emouna de l’école, se tenait un débat serein sur le même sujet. À Dauphine, au même moment, et parce que le président El Mouhoub Mouhoud est engagé depuis toujours avec une volonté ardente dans la lutte contre l’antisémitisme, un débat a pu être organisé sur le même sujet et tout le monde a pu s’exprimer dans le respect.
Mais tant d’autres lieux réputés être des endroits de savoir, tant de protecteurs des droits de l’homme (sauf des juifs), tant de défenseurs des femmes (sauf les juives) se compromettent car les « juifs sont coupables d’être juifs ». Alors, quitte à être juifs, soyons-le vraiment. Réellement.
Prendre les habitants d’Israël dans les bras
Et c’est la dernière partie du livre de Bernard-Henri Lévy qui est la plus surprenante car il convient qu’il y a une forme de destin d’Israël d’être critiqué, parfois même nié, mais Israël ne doit jamais se renier pour autant. Jamais, sous aucun prétexte et sous toutes les latitudes car la condition de sa survie à toutes les vicissitudes de l’histoire est qu’il soit fidèle à lui-même, à sa vocation, aussi lourde soit-elle.
Avec ses mots, BHL a retrouvé l’idée de la parabole talmudique (Berakhot 61a) du renard et du poisson. « Un renard vit dans une rivière un poisson qui fuyait les pêcheurs. Il lui dit : “Viens sur la terre ferme et je te protégerai.” Le poisson lui rétorqua : “Es-tu vraiment celui dont on dit qu’il est le plus sage des animaux ? Tu es un sot ! Si déjà dans notre élément qu’est l’eau je suis menacé, à plus forte raison si j’en sors !” »
Israël doit rester dans sa vocation pour espérer survivre car son objectif est la survie et le seul moyen est de témoigner encore et toujours. Et il ne le fera jamais s’il abdique de ce qu’il est fondamentalement. C’est la grandeur de ce livre de ne pas éluder l’adresse à Israël.
Oui, le moment est à prendre les habitants d’Israël dans nos bras comme le fit symboliquement le président Macron en organisant la seule cérémonie d’hommage aux morts du 7 octobre au monde, oui au monde car, même en Israël, l’urgence des combats les en a empêchés, l’urgence est de manifester notre solidarité envers ce pays martyrisé, envers les otages si vite oubliés, au point que certains osent déchirer leurs visages sur les affiches qui visent pourtant simplement à ne pas les oublier.
L’urgence est à la fraternité, et j’ai pu le mesurer un vendredi à 12 heures place du Trocadéro tant l’émotion de partager de l’espérance et de la confiance faisait du bien à chacun. L’urgence est aussi de libérer les Palestiniens de Gaza écrasés et instrumentalisés sous le joug de leurs oppresseurs terroristes du Hamas. L’urgence n’est pas à la critique inconsidérée d’Israël, mais bien à sa défense, car le bon droit et l’humanité sont de son côté. Bernard-Henri Lévy rappelle d’ailleurs les efforts incroyables qu’aucune armée n’a jamais mis en branle et que Tsahal déploie, contre toute logique de froide efficacité mais afin de préserver son âme, pour éviter autant que possible et plus encore de tuer des civils.
Et c’est fort de cette obsession israélienne pour le respect de la vie et du jus in bello que Bernard-Henri Lévy reprend ses habits de prophète en adjurant Israël de toujours rester fidèle à sa vision de l’humain, à ce qui fait son unicité, non pas parce que cet état serait meilleur que les autres mais parce que son destin est le révélateur de ce que pourraient devenir tous les autres, ou, comme le disent les prophètes de la Bible, « une lumière pour les nations ».
Rappeler Israël à ses devoirs est l’ultime preuve d’amour qu’il pouvait leur manifester et nous devons lire ce livre pour comprendre l’urgence de son exhortation.
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