EUGÉNIE BASTIÉ : Après avoir soutenu les Libyens, les Ukrainiens, les Syriens, vous vous faites aujourd’hui le relais des Peshmergas irakiens auprès de l’Élysée. Pourquoi soutenir ces combattants en particulier ?

BERNARD-HENRI LEVY : Parce que ce sont eux qui, sur le terrain, résistent à l’État islamique. Et parce que, s’il y a une chance de reprendre Mossoul (une ville du nord de l’Irak contrôlée par l’organisation terroriste, NDLR), ce sera grâce à eux et avec eux. Il y a les avions américains, bien sûr. Il y a les forces spéciales françaises. Il y a ce qui reste de l’armée de Bagdad. Mais les hommes qui se battent au sol, ceux qui sont prêts à aller affronter au corps à corps les égorgeurs, ce sont ces hommes qui sont là, ce mercredi, à Paris et que va recevoir François Hollande.

EB : Qu’attendez-vous de cette rencontre avec le président de la République ? Faut-il leur livrer davantage d’armes ?

BHL : Les Kurdes demanderont des armes, bien sûr. Mais je vais vous faire un aveu. J’ai souvent, dans ma vie, plaidé pour que l’on aide des combattants qui étaient nos alliés, un jour contre les Soviétiques, un autre contre Kadhafi, un autre contre telle autre dictature. Mais, même si je n’avais aucun doute sur cette nécessité de les aider, je ne savais jamais si les armes que nous leur livrions n’allaient pas, un jour, être réutilisées à de mauvaises fins et au service de valeurs qui ne seraient plus les nôtres. Là, c’est la première fois que j’ai aussi peu de doutes. C’est la première fois que je me sens, que je nous sens, en harmonie avec ce qui fait le fond de nos croyances communes. Les Kurdes ne sont pas seulement nos alliés. Ce sont des gens qui ont les mêmes valeurs que nous. La laïcité. Le goût de la démocratie. L’exigence de l’égalité hommes-femmes. La haine absolue de l’Islam fondamentaliste, radical et fasciste. C’est aussi cela qui sera réaffirmé mercredi. À l’Élysée d’abord. Puis, le soir, au Cinéma Le Saint-Germain, devant les Parisiens.

EB : Jacques Julliard et Jean d’Ormesson ont lancé un cri d’alerte contre le « génocide culturel » des Chrétiens d’Orient. Vous joignez-vous à leur appel ?

BHL : Évidemment. Et, encore une fois, il n’y a qu’eux, les Kurdes, qui peuvent concrètement venir en aide aux Chrétiens d’Orient. Ce sera l’un des thèmes de la soirée au Cinéma Le Saint-Germain. Il faut aider les Kurdes pour que rentrent les Chrétiens de Mossoul. Il faut aider les Kurdes pour que reviennent dans leurs maisons et sur leurs terres les familles chrétiennes des villages de la plaine de Ninive. J’ai eu l’honneur, il y a quelques semaines, de rencontrer l’évêque d’Erbil, capitale du Kurdistan. Son message était clair : les Chrétiens étaient là 2000 ans avant les tueurs de l’Etat islamique ; il faut chasser les seconds par la force, avec toute la force nécessaire, pour avoir une chance de pouvoir sauver les premiers ; et cette action de force ne sera possible que si le monde et, en particulier, la France viennent militairement en aide aux Peshmergas.

EB : Ne faudrait-il pas renouer le dialogue avec Bachar el Assad pour combattre Daech et sauver les chrétiens de Syrie ?

BHL : Non. Car Daech et Assad sont trop profondément complices pour que l’on puisse choisir l’un contre l’autre. Comment Assad serait-il un « bouclier anti-Daech » quand on sait que c’est lui qui, pour une part, a créé et nourri Daech ? C’est l’honneur de la diplomatie française de l’avoir compris. C’est son honneur de rester fidèle à son double refus : celui d’une dictature qui a fait 200 000 morts en quatre ans ; et celui d’un Califat islamiste qui serait une forme de nazisme arabe.


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