Vous avez écrit ce livre avant l’escalade entre Israël et l’Iran, une césure dans le conflit. Peut-on écrire un livre sur Israël aujourd’hui au rythme des événements actuels ?

Oui, bien sûr. Ce livre est, j’espère, un peu intemporel. Il répond à la question : pourquoi Israël ? C’est la question que posent les antisionistes remettant en cause la légitimité même de l’État hébreu. Mais c’est celle que se posent aussi ceux des Juifs qui ne sont pas certains que l’on gagne tellement au change en renonçant à la vie en diaspora pour rejoindre un pays dont ils ont le sentiment qu’il a « normalisé » le destin juif. Les réponses que j’apporte n’ont que faire, il me semble, de l’actualité.

Vous parlez de la solitude d’Israël, mais les pays du G7 et même des pays arabes comme la Jordanie l’ont soutenu contre la riposte iranienne [au raid israélien contre son consulat à Damas NDLR]. Israël est-il si seul que cela ?

II n’y a pas de « riposte » iranienne ! Il y a une déclaration de guerre d’une ampleur et d’une brutalité inédites. Avez-vous vu ailleurs, récemment, un pays lancer sur un voisin, en une seule nuit, la bagatelle de 350 drones et missiles ? Même Poutine, en Ukraine, ne s’est pas encore donné les moyens d’une offensive de ce calibre ! Alors, que le monde soutienne Israël face à ce déluge de feu est quand même la moindre des choses ! Mais ce soutien, je le crains, n’ira pas très au-delà de la circonstance. Et je ne pense pas qu’il renverse la marée noire des préjugés, clichés et contre-vérités qui accablent Israël depuis sa naissance et semblent, depuis quelques mois, retrouver une nouvelle jeunesse.

À propos de l’Iran, vous affirmez que la République islamique aurait aidé le Hamas à planifier le 7 octobre. Qu’est-ce qui vous fait avancer cette thèse ? La plupart des experts, y compris israéliens, pensent que le Hamas et ses alliés palestiniens ont agi seul…

Plutôt que les experts, lisez la presse du régime. Et les déclarations des Iraniens eux-mêmes, certains au gouvernement comme le ministre de la Culture. Ils ne cachent ni l’aide qu’ils ont apportée au Hamas ni l’estime où ils tiennent ses tueurs qualifiés par eux de « libérateurs » et de « résistants ». Tous les textes, documents, citations, sont dans mon livre. Tous.

Vous rappelez qu’Israël n’a pas choisi la guerre à Gaza. Pensez-vous que les civils gazaouis l’ont choisie ?

Évidemment non. Mais le Hamas, lui, a bel et bien choisi, hélas, et de lancer la guerre, et de considérer le sang de ses civils comme un bouclier et une arme. N’oubliez jamais cette donnée de base : toute la stratégie du Hamas est fondée sur le principe que, plus il y aura de victimes palestiniennes, plus enflera le vent de la réprobation contre Israël et, pour le Hamas, celui de la possible victoire.

Le ministre de la Défense israélien a utilisé le terme d’« animaux » à propos des Palestiniens, une autre ministre s’est dite fière de voir Gaza en ruine. Les Israéliens ne peuvent-ils pas être animés, comme tous les hommes, par un esprit de vengeance ?

Je déteste ce type de déclarations. Mais elles sont rares. Minoritaires. Et elles ne sont nullement le reflet de ce que pensent le peuple, l’establishment et le pouvoir israéliens. Je connais bien ce pays. J’y suis allé dès le lendemain du 7 octobre. Le sentiment qui y domine n’est absolument pas le désir de vengeance.

Vous consacrez un chapitre au terrible bilan humain à Gaza, mais n’évoquez pas, dans votre livre, la violence des colons en Cisjordanie, qui ont fait plus de 400 morts palestiniens depuis le début de la guerre, ni les projets de nouvelles colonies du gouvernement israélien. Israël ne rend-il pas la tâche difficile à ses soutiens les plus convaincus ?

Je ne parle pas de ces nouvelles colonies et pour cause ! Le livre était fini… Quant au chapitre sur le bilan humain, il s’intitule : « Qui était le gardien de son frère à Gaza ? ». Et la réponse est, encore une fois : le Hamas, encore le Hamas, toujours le Hamas, qui a cyniquement fait de ces femmes, enfants et hommes un bouclier de larmes et de sang.

Vous vous êtes rendu sur le théâtre de nombreux pays ravagés par la guerre. Imaginez-vous vous rendre à Gaza quand ce sera possible ?

Je l’ai fait. En temps de guerre en 2008. En temps de paix, pour rencontrer des amis palestiniens artisans, comme moi, d’un Plan de Genève, aujourd’hui un peu oublié, mais qui fut, pour nombre d’entre nous, une source d’espoir. L’espoir, pour moi, n’est pas mort. L’Histoire a plus d’imagination que les hommes et qui sait si, de la désolation présente, n’émergera pas une nouvelle génération de femmes et hommes de bonne volonté ? II y a une condition à cela. Que reviennent les otages. Et que les tueurs du Hamas, responsable de tant de malheur, rendent les armes.


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