Roman, biographie ? L’auteur a fouillé les archives, les récits du temps, avant de convoquer sous sa plume les témoins de l’Histoire et beaucoup ici est rapporté plutôt qu’inventé. Tour à tour, les derniers compagnons de Baudelaire parlent, chacun dans son style, de Mme Lepage sa logeuse de l’Hôtel du Grand Miroir à Bruxelles – où le poète s’est réfugié en quittant Paris, qui le boudait – à son éditeur Poulet-Malassis, en passant par Mme Aupick, sa mère, remariée à un général célèbre, et par Jeanne Duval, une des femmes galantes qu’il aima. Et d’autres encore. Dont un jeune homme inconnu, poète, admirateur et prédateur, qui a fait le pèlerinage de Bruxelles pour recueillir tout à la fois le dernier souffle du maître et lui dérober quelque ultime manuscrit. Il approchera le vieux monstre sacré et s’entretiendra longuement de littérature avec lui avant de…
Le jeune homme ? C’est Bernard-Henri Lévy, naturellement, ou en tout cas un personnage d’invention qui lui permet de « boucher » les trous de son canevas biographique. Et de justifier l’emportement romanesque. Le plus satisfaisant – le plus exigeant aussi – pour l’esprit est là, dans la confrontation d’abord admirative puis sans concession entre le jeune poète arriviste et Baudelaire, qui a plus de souvenirs que s’il avait mille ans… Mais tout ce qui précède, qui se lit très facilement – comme un roman ! – ne manque ni de charme, ni de grandeur.
Et, fût-il Charles Baudelaire, le héros de Bernard-Henri Lévy vieilli, diminué, traqué, usé par les drogues et par un ultime spleen, perclus de regrets, martyrisé par l’amertume, pathétique dans le dernier face à face qu’il s’efforce d’avoir avec lui-même, a quelque chose d’universel. Est-ce ainsi que les hommes meurent ?
Bernard-Henri Lévy, porté par son admiration pour Baudelaire, a réussi un beau livre qui signe son retour en littérature. Dans le Tout Paris des lettres, il n’est bruit que du Goncourt qu’il aura peut-être : ce prix-là ne serait pas vraiment… volé.
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