Que symbolise cette date du 7 octobre pour vous ?
Des corps éventrés. Des femmes violées dans des conditions inimaginables. Une prise d’otages comme on n’en avait plus vu depuis l’Antiquité. Le plus horrible massacre de Juifs depuis la Shoah. Le surgissement de quelque chose qui ressemblait au mal absolu. Autrement dit, ce n’est pas le seul Israël qui a été frappé. C’est la conscience universelle qui a été ébranlée au plus profond. Alors, je vois bien que tout semble fait pour effacer, oublier cette horreur et en faire un nouveau « point de détail » de l’Histoire. Mais, moi, je m’en souviens.
Solitude d’Israël dénonce la violente résurgence de l’antisémitisme qu’on constate, en France aussi. Mais comment définissez-vous cette « solitude » ? Est-ce qu’Israël est seul ou est-ce qu’il s’est isolé en raison de la politique de Benjamin Netanyahou, de ses alliances avec l’extrême droite et les colons de Cisjordanie ?
Attendez. Ne mélangeons pas. L’accélération de la colonisation en Cisjordanie est inexcusable. La présence de deux ministres d’extrême-droite au gouvernement est inacceptable. Mais est-ce ça le sujet ? Est-ce ça que dit l’immense réprobation, partout, contre Israël ? N’oubliez pas que les plus hauts responsables des Nations Unies ont eu pour premier réflexe, dès le 8 octobre, de dire que « c’était la faute aux Israéliens ». N’oubliez pas tous ces commentateurs suggérant que faire une rave party à la frontière de Gaza était une « provocation ». Ou ceux pour qui la barbarie du Hamas était un acte de résistance. J’insiste. Dès le 8 octobre. Ce renversement des rôles entre victimes et bourreaux est apparu avant même qu’Israël ne fasse son devoir d’État démocratique protégeant ses citoyens et, donc, ripostant.
Est-ce que critiquer le gouvernement israélien, c’est être antisémite ?
Non, bien sûr. On peut le critiquer comme n’importe quel gouvernement démocratique. En revanche, renvoyer dos à dos ce gouvernement, quels que soient les griefs qu’on peut lui faire, et une organisation nazie comme le Hamas, ça, c’est intolérable. Je suis favorable, depuis 50 ans, à la solution des deux États et au partage de la terre. Mais souhaiter un État palestinien qui irait, selon la formule consacrée, de la mer au Jourdain et qui, pour parler clair, annihilerait Israël, ça, non, ce n’est juste pas possible. Prôner ça, c’est prôner la guerre, pas la paix.
Depuis le 7 octobre, l’Unicef recense au moins 1200 morts en Israël, ainsi que 138 otages à Gaza. 1,7 million de personnes ont, depuis, été déplacées à l’intérieur du territoire, en ruines, et 32 623 Palestiniens auraient été tués, toujours selon l’Unicef. La réponse militaire est-elle proportionnée ? Une démocratie peut-elle tout se permettre, face au terrorisme religieux, quel qu’il soit ?
Tout se permettre, non, bien sûr. Et la vertu d’une démocratie, quand elle est en guerre, c’est de faire en sorte qu’il y ait le moins possible de victimes civiles. Mais c’est très exactement ce que fait Israël. Eh oui ! C’est même toute la différence de stratégie entre les deux belligérants. Le Hamas fait tout ce qu’il peut pour maximiser le nombre des victimes : son chef politique, qui se cache à Doha, n’a-t-il pas dit que sa vraie arme, c’est « le sang de son peuple » ? Israël, lui, fait tout ce qu’il peut pour qu’il y en ait le moins possible. Méfiez-vous des chiffres qui circulent et dont la seule source est le Hamas.
Les familles d’otages réclament quotidiennement le départ de Benjamin Netanyahou, des élections immédiates et accusent le Premier ministre de continuer la guerre pour se maintenir au pouvoir. L’heure de la trêve et des négociations a-t-elle sonné ?
Une trêve humanitaire, oui, cela va de soi. Une trêve pour libérer les otages, c’est ce que demandent les familles israéliennes et mon cœur est avec elles – si j’étais en Israël, je manifesterais à leurs côtés, c’est une priorité absolue. Le problème, c’est que le Hamas ne veut pas cette trêve. Il torpille systématiquement toutes les négociations. Il les considère, les otages, non comme des êtres humains, mais comme une monnaie d’échange qu’il veut garder le plus longtemps possible afin de protéger ses chefs et ses derniers bataillons. Et, quant à son propre peuple, je vous répète que sa stratégie est une stratégie du martyre : « tuez-les, tuez-les encore, vous serez mis au ban des nations et renvoyés au scandale du monde ».
Quel avenir pour la paix ? Et que diriez-vous, vous, aux victimes des deux camps, aux familles endeuillées qui devront cohabiter dans cette perspective de deux États que vous défendez ?
Je pense comme elles. Les deux États, oui, parce qu’il n’y a pas d’autre solution à terme. Mais pas là. Pas comme ça. Pour qu’il y ait deux États, il faut d’abord que le peuple palestinien se réveille de ce long somnambulisme où l’ont plongé ses leaders cyniques, corrompus ou assassins. Tant qu’il y aura, à Gaza et Ramallah, des hommes qui veulent la destruction de l’État hébreu, ce ne sera pas possible. Tant que le Hamas sera là, sous un visage ou sous un autre, il n’y aura pas d’État palestinien et, donc, pas de paix.
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