« La résistance. Tu entends ? dit encore Gerbier. Endors-toi avec ce mot dans la tête. Il est le plus beau, en ce temps, de toute la langue française. » Ces mots de Kessel dans L’Armée des ombres pourraient être ceux de Bernard-Henri Lévy tant, dans son dernier documentaire, il loue, porté comme à chaque fois qu’il filme ou qu’il écrit, par le souffle profond de la liberté, la puissance d’humanisme teintée d’insoutenable amertume de la résistance ukrainienne au nouvel ogre de Moscou.

Avec Slava Ukraini, peut-être le meilleur film qu’il ait jamais réalisé, il nous plonge au cœur de cette guerre absolue. Chaque minute de ces images inédites nous la restitue dans sa vérité : abjecte, incompréhensible, impossible à perdre, sauf à ouvrir le flanc à une escalade dramatique pour tous.

Les immeubles éventrés, les sols sentant le sang qui a tourné, les larmes et les témoignages arrachant le cœur devant tant de violence, tant d’anachronismes, tant d’irrationalité. Les bombes qui explosent à deux pas, les drones qui menacent de leur bourdonnement de mort, les salles de torture, les tranchées semblables à celles de la première guerre mondiale.

Les villes, même libérées, portant toutes les cicatrices béantes du mal. De Kiev à Kharkiv, d’Izioum à Zaporijia, d’Ouman à Lyman, la désolation se marie à cette espérance si particulière qui se nomme résistance. Le documentaire montre de l’intérieur la terreur et l’acharnement vécus à nos portes autant que la détermination du valeureux peuple ukrainien, ce nouveau « peuple de Valmy », ce peuple en armes, ce peuple debout également pour nous.

Gravité solennelle

Avec un courage physique qui devrait faire taire tous les idiots moqueurs, avec la puissance conceptuelle et empathique de ceux qui vivent dans leur chair ce qu’est la fraternité humaine, avec aussi la gravité solennelle du Paul Valéry de La crise de l’esprit, celui qui écrivait en 1919 « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », BHL nous montre le vrai visage de ce que Poutine fait subir à ce peuple et la capacité suscitant l’admiration de ce dernier à lui tenir tête.

Personne ne doit manquer ce film : adolescents, aînés, ceux qui adhèrent à la défense de la liberté, ceux qui se laissent encore berner par la propagande. Personne ne doit manquer cet hommage bouleversant au « courage des combattants » et à « la dignité des victimes ». Personne ne doit manquer cette petite fille évoquant Alexandre Dumas dans un regard bleu d’intelligence et d’espoir qui hantera longtemps le spectateur.


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