À moins de sortir d’un couvent, de revenir ce matin du désert de Gobi ou de s’être livré à un saut spatiotemporel, il est impossible d’ignorer que Bernard-Henri Lévy vient d’écrire un livre passionnant intitulé Qui a tué Daniel Pearl ? Il est tout aussi difficile d’émettre la moindre réserve. Le sujet en interdit la critique. Daniel Pearl, journaliste juif américain, à la veille de découvrir un secret d’État, a été enlevé et égorgé par des fondamentalistes musulmans le 31 janvier 2002. L’inspirateur du crime est Omar Sheikh, un Anglo-Pakistanais qui a basculé dans l’islam le plus obscur après une adolescence parfaitement britannique dans la banlieue londonienne.

Comment ne pas se passionner à la fois pour la victime et le bourreau ? Comment ne pas être fasciné par le Pakistan, ce pays allié des États-Unis, où naissent et prospèrent les plus immondes écoles coraniques ?

S’il faut rendre hommage à Bernard-Henri Lévy, reconnaissons-lui cette intuition. À défaut d’être le seul l’article de Robert Sam Anson paru en octobre 2002 dans Vanity Fair est un modèle du genre), il est jusqu’à présent celui qui s’est montré le plus disert sur le sujet. Bernard-Henri Lévy a longuement enquêté. On ne peut en douter. Il le dit sur tous les plateaux de télévision. Il le répète sur toutes les radios. Il s’en explique dans tous les journaux. Au point que rarement on aura autant entendu, lu, écouté de commentaires avant même d’ouvrir le livre, au sujet duquel un néologisme littéraire très commode a été inventé : « romanquête ».

Pas de preuves ? J’invente, la fiction l’autorise. Et l’enquête ? Elle consiste essentiellement à suivre Bernard-Henri Lévy dans ses multiples déplacements. On s’y perd. Mais c’est agréable. Il bouge beaucoup. Il est à Londres, à San Sébastian, à Dacca, à New Delhi, à Peshawar, à Kandahar, à Sarajevo, à New York, à Dubaï. Il se décrit admirablement en romancier pensif et en aventurier chanceux. On pourrait même en tirer des films : « BHL et la madrasa interdite », suivi de « BHL et le mystère islamique ». Mais, au bout du compte, qu’en reste-t-il ? Deux choses : découvrir l’existence du Pakistan, pays islamique, trouble et dangereux, et regretter qu’à la place d’un stupéfiant témoignage on tourne les pages des aventures de Bernard-Henri Lévy au pays des fous de Dieu.


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