L’écrivain « maudit » et le philosophe médiatique, le nihiliste et le droit-de-l’hommiste, l’épigone de Céline et le sartrien auto-proclamé, le chantre de la misère sexuelle et le play-boy à la chemise échancré, celui qui croyait au clonage et celui qui n’y croyait pas… Dans leurs rêves les plus fous, les éditeurs n’auraient pas imaginé monter pareil « ticket » pour une rentrée littéraire.

Teresa Cremisi, l’avisée patronne de Flammarion, l’a fait. Et mise gros – 130 000 exemplaires sont en cours d’impression – sur le couple improbable formé par Michel Houellebecq et Bernard-Henri Lévy. Longtemps entouré d’un secret ostentatoire, leur opus à quatre mains intitulé Ennemis publics sera disponible en librairie le 8 octobre prochain.

Officiellement, il ne s’agit nullement d’un coup d’édition, mais bien d’une correspondance authentique devenue un livre. C’est Michel Houellebecq qui, au début de l’année 2008, aurait pris l’initiative des ces échanges épistolaires, pour des motifs semble-t-il liés au cinéma (les deux hommes se piquent d’être réalisateurs, et Arielle Dombasle, compagne de BHL, joue dans le dernier film de Houellebecq). Les correspondants se seraient ensuite pris au jeu, les lettres se seraient croisées entre New York et l’Andalousie, Tanger et l’Irlande, et l’idée d’une publication aurait germé.

Le sujet de ces conversations de puissance à puissance ? La littérature, l’amour, Aragon, les pères et les mères et autres grands sujets, mais aussi la méchanceté des critiques, des jaloux et autres aigris à leur encontre. Car bizarrement, ces deux « people » trônant au pinacle du monde médiatico-littéraire, dont chaque posture est surexposée et survendue, se vivent comme calomniés, injuriés, traînés dans la boue… Résultat : un dialogue, très travaillé dit-on, aux allures de partie d’échecs, où ces deux personnages qui ne se connaissent pas bien, mais se sont toujours ménagés, avancent tour à tour leurs pions.

Reste à savoir si ces épanchements qu’on imagine non dénués de narcissisme seront « concernants » pour le grand public… L’opération, d’ores et déjà, s’annonce payante pour un BHL en mal de crédibilité, plus que pour un Houellebecq « culte » mais de plus en plus gagné par une certaine paranoïa. Et aussi pour la maison Flammarion (même si Grasset s’est raccroché au projet) qui, grâce à cet ovni littéraire, a ramené au bercail le très vendeur auteur de La possibilité d’une île, après son passage chez Fayard.


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