Un homme blessé, un homme incompris, vilipendé pour s’être trop répandu devant caméras et paparazzi, un homme à terre après le « bide bang » de son film avec Delon (Le Jour et la Nuit), tente de se relever.

Cet homme-là, Bernard-Henri Lévy, au carrefour de la cinquantaine et de la déconfiture, décide de conjurer ses échecs, de les exposer et de les comprendre. Il s’exile à Tanger et écrit le livre qui lui répugne le plus, dit-il. Car ce n’est pas son genre de se dévoiler, de raconter, sa vie, ses veines et ses déveines. Allons donc, ces scrupules sont non avenus : l’homme est écrivain jusqu’au bout de ces phrases fiévreuses qui cognent comme un martèlement voué à extirper la vérité sans fard de soi-même. On jubile devant cette écorce qui finit par se fendre pour éclairer la part d’intimité qui fait l’homme, cette part d’inquiétude et de questions sans réponse. Qui suis-je, interroge Bernard-Henri Lévy, jetant en pâture ses « moi » multiples et fragmentés.

La complainte lyrique du philosophe mal-aimé est aussi œuvre de lucide analyse. BHL expurge les mille travers de la société « du spectacle » qui ont pu conduire sa personne à être l’objet d’une injuste aversion. Ah, que ne suis-je Modiano ou Debray, ironise-t-il, que n’ai-je eu ce défaut de bégayer comme eux devant les caméras. Affligé d’un tel zozotement, je serais devenu l’être « authentique » que chacun réclame dans ce monde de toc et de semblant, moi sans doute trop loquace et brillant pour être aimé.

Le plaidoyer de Bernard-Henri Lévy agacera une fois de plus ceux qui ne verront dans sa confession que l’ultime avatar d’un « plan de carrière », avec pose romantique et Tanger en toile de fonds. Les autres, nombreux, seront touchés par la voix sincère et angoissée d’un écrivain qui s’expose à une dangereuse mise à nu, au risque de se perdre.


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