LAURE EQUY : Les signataires de la pétition écrivent que le débat sur l’identité nationale est « facteur de haine et de désunion ». Pourquoi cette accusation ?

BERNARD-HENRI LÉVY : Ce sont les observations qui remontent de tous ceux qui ont assisté à ces réunions. Unanimement, ou presque, ils disent à SOS Racisme que ces débats se passent mal, tournent mal. On nous annonçait un débat serein. Et la réalité c’est une parole qui, en démocratie, devrait être stigmatisée et qui se trouve soudain libérée.

La vérité c’est, aussi, qu’il y a là l’effet d’un climat général. Lorsqu’un ministre de l’Intérieur [Brice Hortefeux, ndlr] se permet une blague raciste sur le campus d’été de l’UMP et que seuls une poignée de gens réagissent, lorsqu’une campagne présidentielle s’appuie sur une stratégie explicite de récupération des voix et d’une partie des thèmes du Front national, lorsque ces thèmes sont banalisés, alors il ne faut plus s’étonner que les choses tournent comme elles sont en train de tourner. Ce climat est de plus en plus propice à ce que SOS Racisme dénonce dans sa pétition.

Pourquoi vouloir arrêter le débat à ce moment précis et non pas dès son lancement ?

Pour ce qui me concerne, j’ai toujours pensé que ce débat était absurde, complètement idiot. Mais je ne voulais pas crier au loup. Je me disais qu’il fallait peut-être attendre et que c’est peut-être moi qui avais une vision trop alarmiste. Aujourd’hui, hélas, mes inquiétudes sont confirmées. Et on est en train de payer la facture de cette folie qui a consisté à créer un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Ce qui se passe actuellement est le résultat logique de la mise en place de ce ministère, de son intitulé et de certaines des mesures qu’il a prises.

Voilà pourquoi nous lançons cet appel au président de la République. Il est le seul à pouvoir arrêter cette mascarade. Il a suffisamment d’honnêteté politique et de pragmatisme pour dire « stop » quand il faut dire « stop ». Quand il apparaît qu’un débat supposé resserrer le lien communautaire ne fait que le distendre, il appartient au Président de la République de faire machine arrière.

Ne faut-il pas parler d’identité nationale ?

On parle de ce qu’on veut. Mais dire que les gens ont, dans ce pays, un problème avec l’identité française est une escroquerie. Ils savent ce que c’est qu’être français. Ils le savent bien assez. Le savoir davantage tiendrait plus de l’asservissement que de la libération. Vous savez, les identités collectives doivent être légères et non pas étouffantes. Elles ne doivent pas enfermer le sujet dans un carcan irrespirable mais l’aider, au contraire, à respirer.

Peut-être qu’à certaines époques, la question s’est posée. De nos jours, pas. Ou alors, c’est qu’on monte en épingle des incidents isolés, des phénomènes marginaux. Seuls Mme Morano et M. Besson ressentent une crispation ; je ne crois pas qu’elle existe dans l’immense majorité du corps collectif français. Et puis, enfin, ce débat est en train d’occulter la question cruciale : celle de l’identité européenne.


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