Pourquoi « Barbie, Bardèche, Vergès, Le Pen » ? Qu’ont-ils de commun ?

Ensemble, ils font un climat. Une atmosphère assez nauséabonde. Avec, en toile de fond, la banalisation de quelques thèmes que je n’arrive pas, moi, à trouver vraiment acceptable. Je suis, bien sûr, pour la liberté d’expression la plus totale. Je ne suis pas choqué que l’on donne la parole à Le Pen ou à Vergès. Mais ce que je trouve incroyable c’est que tout le monde fasse comme si les idées qu’ils expriment étaient des idées normales, banales, ordinaires…

En quoi ne le sont-elles pas ?

Le racisme, chacun le sent bien, n’est pas une idée comme une autre. L’antisémitisme, de la même manière, n’est pas une idée comme une autre. Si on l’oublie, si on lève l’interdit qui pesait jusqu’à présent sur ces idées, on va à la catastrophe.

En quoi Jacques Vergès participe-t-il de ce climat que vous dénoncez ?

Lisez ce qu’il dit à Jean-Pierre Chabrol dans VSD de cette semaine. Chabrol l’interroge sur le nazisme. Lui, très tranquillement, déclare : « C’était une réponse normale à une situation économique et sociale donnée. »

Vergès n’est tout de même pas nazi !

Non, certes. Mais ce n’est pas un hasard s’il défend Barbie. C’est lui-même qui le dit : il n’aurait pas défendu Bokassa. Il n’aurait pas défendu Amin Dada. S’il défend Barbie, c’est parce qu’il entend faire de ce procès une tribune lui permettant d’attaque la démocratie.

Vous trouvez choquant de défendre un ancien nazi ?

Si Vergès le faisait en avocat, rien à dire. Mais il le fait en militant. Il distille des poisons terribles. Et cela, j’y insiste, hors du prétoire.

Vous suivez vous-même ce procès Barbie ?

Oui. Je le fais pour un certain nombre de journaux. Ce procès me semble, en soi, aussi riche d’enseignements que le procès d’Eichmann à Jérusalem il y a vingt-cinq ans. Importance du travail de la mémoire. Importance de l’Histoire. Nécessité de résister aux « révisions » auxquelles quelqu’un comme Vergès participe tout à fait.

De quelle façon ?

En essayant, par exemple, de relativiser la gravité de l’holocauste. Ce sera le cœur de la plaidoirie de Vergès : nous dire que les crimes de Barbie ne sont pas plus graves que ceux de l’armée française en Algérie.

Alors que vous… ?

Alors que moi, je pense qu’il y a une différence de nature entre les uns et les autres.

Laquelle ?

Dans une guerre, quelle qu’elle soit, on tue les hommes pour ce qu’ils font. Dans un crime contre l’humanité, on les tue pour ce qu’ils sont.

Ce n’était pas le cas en Algérie ?

En Algérie, les crimes de l’armée française étaient horribles. Ils étaient inexcusables. Mais enfin, quand on exécutait un homme du FLN, on s’en prenait à un homme en armes, lui-même membre d’une armée, qui avait les moyens de se défendre, voire (la suite l’a prouvé !) de triompher. Rien à voir avec les enfants d’Izieu. Rien à voir avec la rafle de la rue Sainte-Catherine. Rien à voir avec ces six millions de cadavres partis en cendre et en fumée et qui font une hécatombe absolument unique dans l’Histoire.


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