Yvan Colonna. Un nom à la Mérimée. Une gueule de voyou au grand cœur. Mais, en fait, une franche canaille : la figure même de la politique dévoyée dans le crime ; la version très française du terrorisme planétaire contemporain ; et son arrestation, du coup, comme une belle victoire de la République.
Je ne cesse de rencontrer des gens et, notamment, des artistes qui confient, en privé, leur désaccord ou leur malaise face au mouvement des intermittents et qui, lorsque vient le moment de prendre publiquement position, font taire leurs réticences. Double langage ? Incertitude ? Non. Juste ce statut nouveau d’une politique devenue, au sens de René Girard, contagion mimétique permanente.
Débat télévisé entre Arno Klarsfeld et Gabriel Cohn-Bendit sur le thème éternel : interdire, ou non, l’expression d’opinions insupportables (racisme, antisémitisme, négationnisme). Ce texte de John Locke (Essai sur l’entendement humain, ß 218) qui aurait pu les mettre d’accord : si le législateur a le droit de limiter (je résume) l’expression d’opinions qui pourraient « troubler l’ordre public », il ne peut en aucun cas forcer quelqu’un à « renoncer à son opinion ». En quelques lignes, tout est dit – ne resterait à un législateur avisé qu’à relire ce dire et s’en inspirer.
Un autre soir, sur France 2, l’émission mensuelle de Bernard Pivot. L’invitée est Julia Kristeva. Elle parle, puisque c’est le principe même de l’émission, de sa Bulgarie natale, de son rapport à la France, de son étrangeté sans recours – elle dit la drôle d’histoire que c’est, par exemple, de pratiquer la psychanalyse dans une langue qui n’est pas celle de son enfance. Et puis ce mot magnifique de saint Augustin qui, soudain, fuse et m’éclaire – mais pas seulement sur l’invitée : « in via patria », la patrie c’est le chemin.
Retour d’Israël. Tombé par hasard sur cette page de Hegel (Encyclopédie des sciences philosophiques, ß 552), qui, évoquant, contre les luthériens mais aussi contre Bossuet, la place dans la cité des quakers et des anabaptistes, répond assez précisément à l’autre question qui obsède certains – celle de la place, dans l’Etat juif, de la minorité arabe. Quakers et anabaptistes, dit le philosophe, sont membres « passifs » de l’« Etat » puisqu’ils « refusent de le défendre contre ses ennemis ». Mais ils sont, ajoute-t-il, « membres actifs » d’une « société civile » qui leur reconnaît mêmes droits et mêmes devoirs qu’à n’importe quel autre sujet. Là aussi, tout est dit. Nous sommes à Nazareth autant que dans l’Etat rationnel hégélien.
De Ruth et Judea Pearl, dans Libération, cette idée toute simple, dont je me fais aussitôt le relais : nous ne croirons, disent-ils, en la bonne foi des Pakistanais, nous n’accepterons d’entendre que le meurtre de notre fils est, comme l’a déclaré Moucharraf, devenu « de l’histoire ancienne », ce meurtre ne cessera d’être, autrement dit, une « plaie ouverte à jamais » dans nos âmes, que lorsque sera consacré, au cœur de Karachi, un lieu « réaffirmant les idéaux qu’incarnait Dany ». Deuil et stèle. Mémoire et monument. Toujours la même histoire. Toujours le même nœud de la commémoration et de la guérison.
Les GI à Monrovia ? Mais oui. Bien sûr. Le voilà, le vrai devoir d’ingérence. Le voilà, le devoir des nations face à l’appel des peuples maintes fois martyrs. Ici, dans cette Afrique douloureuse et presque sortie, déjà, de l’Histoire universelle, pas d’erreur de cible, pas de tromperie sur le siècle – l’urgence, la vraie, celle de prêter assistance à peuples en danger.
Neuf peintures d’Olivier Debré à Beaubourg. Beau comme du Rothko. Grand comme des Twombly. Une poésie, une vibration de la couleur, un lyrisme qui font de l’auteur de « Grand gris clair » et de « Mur blanc » le maître de l’abstraction douce.
Double attentat suicide à Moscou. Confiscation de la cause tchétchène par les pires des intégristes. Et les civils qui, du coup, se trouvent pris entre les deux feux de deux barbaries qui se répondent. Le scénario du cauchemar. Celui dont nous sommes quelques-uns à avoir décrit, depuis le début, l’implacable enchaînement. Bientôt, sur les écrans, un très grand film qui dira aussi cela : La maison de fous, de Kontchalovsky.
La différence entre Aragon et Drieu ? L’orfèvre Nourissier (Le Figaro littéraire, 1er juillet) est formel. Le premier baisait comme un lapin. Le second n’en finissait jamais de bander. Rapporté à la littérature, le partage fonctionne, ma foi, assez bien. Jaillissement continu, chez le premier, de mots, d’harmonies, d’images. Impression, quand on lit le second, de rester toujours en deçà, je ne dis même pas de l’extase, mais de la promesse.
Propos de Tony Blair : le plus tragique, pour la gauche européenne, ce serait de se refonder sur la double pierre d’angle de l’antilibéralisme et de l’antiaméricanisme. En effet. Double version du socialisme des imbéciles.
Delon en DVD. Seize films, il me semble. Comment peut-on, en une vie, avoir donné vie à tant de chefs-d’œuvre ?
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