L’histoire de Kafka adressant La métamorphose à une revue que dirige Musil. « D’accord, répond Musil. Mais c’est trop long. Il faut couper. »

La voix, c’est la moitié de l’âme. Ou du corps, je ne sais pas.

De quoi est faite la mémoire d’un écrivain ? De ce qu’il a vécu ? Ou, au contraire, pas vécu ?

Kant à Königsberg. Aristote et les péripatéticiens. Le Rousseau des Promenades. Hobbes. Guyotat.

J’en oublie. Toute une tradition où l’on ne pense qu’en marchant, au rythme de la marche et du pas. Et si un livre était, toujours, un carnet de route ?

La littérature est comme un incendie, elle naît de ce qu’elle brûle. La littérature parle d’une vie, d’un monde, qui existent – mais ne sont pas encore visibles.

Comment faut-il vivre ? Assis ? Couché ? Debout ? Michaux dit : de travers.

Des bloc-notes homogènes (Proust dirait : « monotones »). Ou, comme ici, disparates, en miettes, en mosaïque (la plus haute condensation, disait Barthes, non de vérité, mais de musique).

Débat sur la restauration, ou non, des deux bouddhas détruits de Bamiyan. La réponse est dans Proust (lettre à Mme Strauss, du 9 octobre 1907) : « Viollet-le-Duc a abîmé la France en restaurant avec science mais sans flamme tant d’églises dont les ruines seraient plus touchantes que leur rafistolage archéologique avec des pierres neuves qui ne nous parlent pas et des moulages qui sont identiques à l’original mais n’en ont rien gardé. »

La question qu’il faudrait, systématiquement, poser à un écrivain : si ce n’était pas un livre, ce serait quoi ? un tract ? un testament ? un rapport de police ? un rêve ? un sermon ?

Des idées, tout le monde en a. Mais une, oui, une idée, une vraie pensée, c’est autre chose – c’est le plus rare.

L’obscurité chez un philosophe : une façon de dérouter le lecteur, de casser ses automatismes, de le tenir en haleine, de l’obliger à écouter et à lire.

Ah ! si seulement la bêtise pouvait être muette. Ou aveugle.

Ces fonctionnaires de la subversion. Ces professionnels de l’imprécation, de l’anathème.

Où sont passés les lepénistes ? Envolés ? Terrorisés ? Réinfiltrés dans les partis de droite – et de gauche – traditionnels ? Eclairés par nos vaillantes lumières antifascistes ? Convaincus ? Peu importe. Le principe moral kantien n’est pas : « juge, mais agis, en sorte que la maxime de ton action puisse être érigée, etc. ». Peu importe, autrement dit, ce qu’ils pensent. Peu importent les âmes, leurs états, leurs mobiles – la psychologie.

New York. Ground Zero. Que font tous ces gens ? Badauds du crime ? Curieux de l’espace vide ? Ou activistes de l’imagination reconstituant, en esprit, les tours disparues ?

Ce cri d’effroi d’un homme – Michel Guénaire, Déclin et renaissance du pouvoir, Gallimard – que son métier oblige à sillonner la planète : ce monde n’est pas gouverné ! partout des nouvelles puissances, nulle part le principat qui, naguère, aidait les peuples à vivre et faire leur propre histoire.

Le fond du fond du judaïsme : la lettre précède l’être. L’art juif par excellence : au lieu du roman, le judan, où les mots jaugent l’être, ou l’être se déduit des mots.

La tolérance, cette forme raffinée de la condamnation.

La gauche post-hégélienne ? La politique réduite à la philologie – la politique faisant de la « philologie sacrée » la source de son droit et de la morale (Adriano Sofri, De l’optimisme, éditions L’Auberge de l’Europe – beau livre de liberté, écrit du fond d’une prison).

Ces philosophes dont on se dit : il manque l’essentiel – une œuvre secrète, ésotérique, qui s’est perdue.

Message de Heine aux intégristes de son temps et du nôtre : « abandonnons le ciel aux anges et aux moineaux ».

De quoi avons-nous le plus besoin ? De plomb ou d’ailes ?


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