Souvent, face à un visage, un paysage, un sentiment, on songe : « Ce sont des copies – mais de quoi ? » Eh bien, je vois le dernier film de Sautet (Nelly et M. Arnaud), et je me dis : « Voici, peut-être, les originaux. »
Bill Clinton a besoin d’un succès international avant d’entrer en campagne électorale. Alors il dit : « Voilà ! ça y est ! la paix est faite en Bosnie. » Mutatis mutandis, il me rappelle ce grand éditorialiste qui, chaque année, à la fin août, lorsqu’il rentrait de vacances et quel qu’ait pu être, bien entendu, le nombre de coups d’État, guerres déclarées, séismes divers qui avaient pu se produire entre-temps, commençait son papier de rentrée par une phrase du genre : « Paris s’éveille, le monde renaît… »
Croisé Michel Rocard, dans les couloirs d’Europe 1. Ce militant de la rigueur. Ce pénitent du vrai. Cet homme qui, en toutes circonstances, s’évertue à prendre l’autre parti : celui qui le fera sortir du rang des marchands de fables et d’illusions. Ce soupçon, alors, qui m’effleure et, il faut bien le dire, m’accable : et si tel était, justement, son drame ? si l’on ne faisait pas plus de politique avec des idées justes que de littérature avec des bons sentiments ?
Un écrivain n’est jamais seul. Autour de lui ses mirages, ses morts auxquels il parle et qui vivent plus que les vivants, ses ombres chères, sa famille, ses contemporains selon l’esprit, le rêve ou l’élection. C’est le final du très beau livre que Jean-François Josselin consacre à Simone Signoret. C’est la leçon d’un écrivain qui ne sera jamais à ce point – et mine de rien – passé aux aveux.
Sautet encore. L’immense talent de Michel Serrault : quand, malgré la richesse des dialogues, il parvient à ne rien dire. Beaucoup de pensées, peu de mots : éloge du laconisme.
Gilles Hertzog. Le compagnon de tous mes voyages en Bosnie. L’infatigable organisateur, depuis quatre ans, de nos meetings à la Mutualité et ailleurs. Le seul, je dis bien le seul, que je n’aie jamais vu douter de l’inéluctable défaite des Serbes. Il avait, jusqu’à présent, choisi d’opérer dans l’ombre. Le voici qui s’expose avec Armija, un grand reportage sur l’armée bosniaque qu’Arte diffuse, ce lundi, à vingt heures. Profitons-en. D’abord parce que ces images sont rares. Mais parce que leur auteur l’est tout autant : une sorte de dandy baroudeur, follement généreux, dont je ne suis pas certain que la forme très particulière d’élégance sache très longtemps s’accommoder de ce séjour dans la lumière.
Cinq anciens chefs d’État – Mitterrand, Gorbatchev, Bush, Margaret Thatcher et l’ex-président canadien – en conclave à Colorado Springs pour évoquer leurs vertes années. Comme un ballet de fantômes. Ou un bal de revenants. Une sorte de super-G7, mais à blanc, et pour rien. On aimerait un Beckett pour les mettre en scène, un Polanski pour les filmer, un Simenon pour les raconter.
Pourquoi le Front national progresse ? Parce que c’est notre dernier vrai parti politique – le dernier, en tout cas, à faire comme si la politique existait.
Malraux, dans ses Antimémoires, n’attaque jamais un rival. Et Chateaubriand, à le lire, semble n’avoir jamais eu d’autres ennemis que Thiers, Villèle, l’obscur lieutenant Noirot ou le grand Napoléon. Hygiène d’écrivain ?
« Nous avons besoin de produits, pas d’idées. » C’est par cette phrase historique que l’excellent Fidel Castro a fait dire aux intellectuels cubains invités par les Allumés de Nantes qu’il leur refusait leur visa de sortie. Communisme pas mort. Ubu toujours au pouvoir.
Rencontrer le président Zeroual à New York ? Soit. Mais à condition, alors, de lui dire : « on ne combat pas la barbarie avec les armes de la barbarie ; vous n’en finirez avec le GIA que si vous renoncez, vous aussi, au terrorisme ».
Une jeune fille, presque une petite fille, sera peut-être condamnée à mort, et exécutée, parce qu’un vieux patron la violait et qu’après des années de silence, d’humiliations étouffées, de hontes bues, de larmes, elle a fini par le tuer. Que font les belles âmes qui pavoisaient, le mois dernier, à la Conférence mondiale sur les femmes, qui se tenait en Chine ? Que disent-elles ? Où sont-elles ? Et pourquoi les entend-on tellement moins dans les Émirats qu’à Pékin ?
« Une conversion est un miracle lent », disait, je crois, Massillon. C’est, très exactement, le mot pour ces amis retrouvés, cette semaine, à Jérusalem : l’idée même d’un « État », voire d’une « autonomie », en Palestine leur a toujours semblé le symbole même de la trahison ; le temps passe et ce sont eux qui, non seulement s’y résignent, mais commencent d’y voir le seul chemin vers la paix, la raison, la prospérité retrouvée.
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