Rentrer d’un voyage long, éprouvant, avec le sentiment d’être étrangement déphasé. Reprendre ce bloc-notes, retrouver l’actualité, les personnages qui la font, les livres parus et qui m’attendaient, en peinant à leur prêter toute l’attention nécessaire. Larbaud dit quelque chose comme cela dans un texte d’Aux couleurs de Rome. Il dit cette façon, au terme de ses propres périples, de voir toutes choses comme « démodées » ou « périmées ». Il raconte sa façon, dans les livres qu’il aime, « d’épier la formation des premières rides », de voir ce qui s’y mêle déjà aux « décombres futurs de l’époque » – cette déception anticipée qui participait, chez lui, du goût des choses et à laquelle, donc, il s’exerçait ; mais moi ? ici ?
Timothy McVeigh, l’auteur de l’attentat d’Oklahoma City, était un authentique bad guy ? un monstre ? cet homme qui n’a pas eu un mot de peine ni de remords à la pensée de ses 168 victimes assassinées était un criminel impardonnable ? Certes. Mais raison de plus, disent les partisans américains de l’abolition de la peine de mort. Le problème n’étant plus, cette fois, ni l’âge du condamné (17 mineurs exécutés, selon le Centre d’information sur la peine de mort de Washington, depuis 1976), ni la qualité du procès (68 % des condamnations à mort ayant fait l’objet d’un recours ont fini par être cassées), ni même l’erreur judiciaire (au moins 95 des 710 condamnés étaient des innocents), le cas n’en est que plus pur et le combat plus exemplaire. Timothy McVeigh mérite peut-être les flammes de l’enfer. Mais ce pays ne méritait pas, lui, d’offrir cette image d’une mise à mort filmée, applaudie en direct par 232 spectateurs hystérisés.
Réélection triomphale de Khatami. Possible que la révolution démocratique soit en marche, cette fois, à Téhéran. Mais attention, nous disent nombre de démocrates iraniens. Prenez garde à ne pas vous laisser prendre au piège de la discorde jouée, de la querelle de factions mise en scène et en spectacle. Prenez garde à ne pas rééditer l’erreur commise, pendant si longtemps, à propos de l’Union soviétique et de ses prétendues guerres de courants. Et ne perdez pas de vue que le Guide de la révolution, l’ayatollah Ali Khamenei, qui contrôle tous les rouages de l’Etat et se situe toujours dans la droite ligne du khomeynisme, n’a cessé, depuis deux ans, de dire son soutien à la « démocratie islamique » prônée par Khatami. A suivre.
Le tragique dans l’affaire du Proche-Orient ?
1. Les Palestiniens n’existent que depuis, et pour autant, qu’Israël existe aussi : leur nationalisme est un pur effet de miroir du sionisme. 2. Loin que cet effet de miroir exonère Israël, loin qu’il le décharge de ses devoirs politiques et moraux, il l’oblige au contraire d’autant plus : c’est bien parce que l’Idée palestinienne ne serait rien sans Israël, c’est bien parce qu’elle tient tout son être de ce face-à-face avec l’« ennemi », que l’« ennemi » se doit de tendre la main. 3. C’est à Tel-Aviv, donc, ou dans la Jérusalem juive, que devrait, en bonne logique, être proclamé l’Etat auquel les Palestiniens ont droit : alors, et alors seulement, le processus de paix reprendra – mais fondé dans l’être autant que dans le droit et dans les faits.
Tout le monde savait cela, grommellent les esprits forts depuis la révélation par Le Monde du passé trotskiste de Jospin. Chacun a droit à des erreurs de jeunesse, répètent-ils, sur le même ton que lorsqu’ils réagissaient, jadis, aux révélations sur le passé de Mitterrand, et tout le monde connaissait cette erreur-là. Tout le monde, vraiment ? Hum… Ce que l’on ne savait pas, il me semble, c’est que c’est en tant que trotskiste que le futur premier secrétaire est entré au parti socialiste. Ce que l’on ne savait pas, c’est que cette double vie politique, cette double appartenance soigneusement cloisonnée et verrouillée, a duré au moins quinze ans. Et ce dont je ne suis pas sûr que l’on ait été si conscient, c’est que le Premier ministre, à ce moment-là, avait 40 ou 50 ans – et que c’est un peu tard pour une « erreur de jeunesse »… De tout cela, de ce bloc de vie et de secret exhumé par Le Monde, de cette Atlantide biographique dont il n’est, du reste, pas certain que l’on connaisse encore l’exact contour, on peut dire : cela affaiblit Jospin ; cela le rend opaque, inquiétant ; on peut s’étonner que cet homme ait pu faire de la transparence sa vertu cardinale, son étendard ; on peut s’indigner qu’il ait osé, dans son « inventaire » du bilan mitterrandien, faire grief à un autre de son itinéraire tortueux ; on peut au contraire, et c’est mon cas, trouver que cette affaire lui confère une complexité, un mystère, une dimension supplémentaire, et que cet être que l’on croyait lisse s’augmente ainsi d’une épaisseur romanesque, donc politique, insoupçonnée ; la seule chose que l’on ne peut pas dire, c’est que cela ne change rien et que l’apparition soudaine, sous les traits du sage et pur Lionel, de cet incroyable phénomène de marranisme politique serait un non-événement.
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