Hobbes. Chapitre 29 du Léviathan. La division des pouvoirs dans l’État. La Trinité des personnes divines. Toute la question de l’intégrisme est là. Tout le problème de son triomphe – ou des stratégies à inventer pour, au contraire, le conjurer.

Après Kim Il-sung, Kim Jong-il. On croit à une blague. Mais ce n’en est pas une. Car c’est ainsi que, à Pyongyang, se fait la transmission du pouvoir. Est-ce le fils qui succède au père ? Un tueur à un autre tueur ? Mettons que le communisme réinvente le principe dynastique. Ou que, dans tous les sens, l’emporte la loi du sang.

Les meilleurs écrivains le connaissent et le reconnaissent. Il a quarante ans. Il pourrait être, à lui tout seul, « agitateur culturel depuis 54 ». Il s’appelle Francis Bueb et c’est à lui que nous devions, samedi dernier, cette « Rencontre de l’Odéon » entre intellectuels européens. Comme un parfum des années trente. Mais les autres années trente – celles de l’antifascisme et de ses meetings comme des grand-messes.

Les Allemands sur les Champs-Élysées. Sur le principe, rien à redire. Mais ce malaise, tout de même. Cette gêne, sans doute absurde. Et cette part de moi qui, ce jour-là, préférera ne pas être à Paris.

Philippe Forest prépare une histoire de Tel Quel. Je le reçois. Nous parlons de Sollers. Et je m’aperçois, en lui parlant, qu’il est peut-être (Sollers) l’un des derniers témoins d’une longue et belle tradition : celle de ces écrivains qui sont aussi des critiques. Après eux ? A part lui ? L’artiste qui ne dit rien et qui croit manifester ainsi l’un des signes, éclatants, du talent.

Toujours le Rwanda. On a dit trois cent mille morts. Puis cinq cent mille. On frôle, aujourd’hui, le million. Et que font les coupables, pendant ce temps ? Où sont- ils ? Mais dans la « zone de sécurité », voyons ! Sous protection française ! Imaginer, en 1945, mêlés à la foule des réfugiés, les criminels de guerre nazis : on les a désarmés ; éventuellement sermonnés et désavoués; mais enfin ils sont là — bénéficiant, comme les autres, de la manne humanitaire et de ses formidables équivoques.

Foucault, à la fin de sa vie, pensait qu’il n’y avait pas de geste plus actuel que celui de relire les Grecs. Moi, aujourd’hui, comme à l’époque du Testament de Dieu et de mes dialogues avec Lévinas : quelques pages du Talmud, quelques versets d’Osée ou du Livre de Samuel – où je trouve l’essentiel de ce dont j’ai besoin pour apprendre (vaste programme !) à ré-aimer la politique.

Juppé et Hurd vont en mission. Leur tâche ? Faire accepter aux Serbes leur mirobolant plan de partage. On imagine le discours : « Chers et honorables assassins, distingués spécialistes du nettoyage ethnique, nous feriez-vous l’immense plaisir d’accepter la moitié de ce pays que vous avez conquis, ravagé, nettoyé – et que nous vous supplions, donc, de consentir à conserver ? »

Toujours les meurtres en Algérie. Après les Français, les Russes. Après les Russes, les Italiens. Comme un corps qui n’en finirait pas de s’amputer de ses membres étrangers. Comme un peuple qui ne se lasserait pas d’explorer les cercles de son enfer. Et puis – il faut bien le dire – comme une spirale de la terreur aux interminables, et terribles, tours. Comprendre, oui, que l’Europe commence aussi à Alger.

Bosnie encore. Le mot est de Pavese dans La Maison sur la colline. Mais il me fait, irrésistiblement, penser aux millions de morts de Bosnie dont Messieurs Hurd et Juppé font visiblement leur deuil. « Qu’allons-nous faire de ceux qui sont tombés ? Il n’y a peut-être que les morts à le savoir et il n’y a qu’eux pour qui la guerre soit finie pour de bon ».

Il y a des gens que l’on connaît trop et dont le nom est une ombre qui occulte ce qu’ils écrivent. Un spécimen du genre : Poivre d’Arvor. On croit tout savoir de lui. On a tort. Car il vient de publier un livre étrange – le plus drôle, le plus vrai, le mieux informé des livres de politique-fiction de l’année. Il ne se résume pas. Il se lit. Si, du moins, l’on consent à bien se souvenir de son titre : Les Loups et la Bergerie.

Union ! Union ! Ils n’ont que ce mot à la bouche, les Européens d’aujourd’hui. Et si les choses étaient plus compliquées ? Et s’il ne s’agissait, surtout, ni d’« union » ni d’« unité » ? C’est quand les Empires s’unissent qu’ils s’effondrent. C’est au lendemain de l’édit de Caracalla que l’Empire romain s’écroula. Ne pas se lasser de le répéter : il n’y a pas d’identité européenne puisqu’Europe n’est que l’autre nom du rejet de tout projet identitaire.

Le texte archi-connu de Valéry sur les « civilisations » qui savent, « maintenant », qu’elles sont « mortelles ». On oublie toujours de citer la suite – qui me touche infiniment plus : « Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats ou celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux ». Les journaux, ce matin ? La lettre, dans Libération, de Rushdie à Taslima Nasreen.


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