Tous les ministres ou presque en ballottage ou battus. Bonne nouvelle, vous trouvez ? Preuve d’un scrutin « vraiment » municipal, plébiscitant des hommes et des femmes neufs, modestes, et témoignant, par conséquent, d’une forme de vitalité démocratique ? Non. Le contraire. Et il y a dans cette idée qu’un bon maire est un maire de terrain, qu’il doit être présent sept jours sur sept, qu’une dimension parisienne ou nationale ne sert à rien et même dessert, il y a dans cette méfiance à l’endroit de tout ce qui peut rappeler Paris et le parisianisme le signe d’une conception très inquiétante de l’administration des hommes et des choses. Revanche du localisme. Victoire de l’esprit de clocher. Défaite de cette distance réglée entre le local et le général qui fait la vraie politique. Il n’est pas vrai que la démocratie de proximité soit le fin mot de cette politique.
Françoise Giroud écrit un livre pour dire que son corps ne la suit plus, qu’il ne cesse de la trahir, qu’il peine à prendre un autobus. Le livre est magnifique. Il pulvérise les records de ventes. Et son auteur, aux dernières nouvelles, se lancerait dans une biographie de Lou Andreas-Salomé. Paradoxes de la mélancolie.
Dans Utopie et désenchantement du Triestin Claudio Magris (Gallimard), une bonne définition de ce que doit être une frontière pour que s’y articule cette dialectique de l’universel et du local sans quoi il n’y a ni démocratie ni, peut-être, humanité digne de ce nom. Ombre de Joyce et de Svevo. Hommage à Thomas Mann. Ces très belles pages sur Primo Levi, l’homme qui a résisté à Auschwitz, et qui n’a pas survécu… – à quoi, au juste ? la victoire posthume de Hitler ? le mensonge ? soi-même dans le rôle du survivant ? Et puis, en filigrane donc du livre, cette théorie d’une frontière qui serait là pour être indéfiniment, dans le même et perpétuel mouvement, posée et transgressée. Comme les langues. Comme les interdits. De la politique pensée sur le modèle de l’érotisme et de la traversée des langues.
Ces apparitions à répétition, chez les Guignols de Canal, pendant toute la campagne électorale, d’un Séguin sadomaso. On a beau dire que les Guignols disent la vérité du politique, ils en étaient plutôt, là, le degré zéro, la caricature, la forme humiliée.
Mel Gibson et les auteurs de Ce que veulent les femmes, cette comédie américaine qui, depuis quelque temps, casse la baraque, savent-ils qu’ils ont redonné corps à l’un des plus beaux rêves littéraires : celui de Diderot et de ses Bijoux indiscrets ?
Je me souviens du temps où Jérôme Garcin, convaincu que l’art de la critique a ses grandeurs mais aussi ses servitudes, promettait que jamais, au grand jamais, il n’écrirait de roman. Il avait commencé, pourtant, de se parjurer avec son émouvante Chute de cheval. Le voici, un an après, en plein dans le romanesque avec, pour compagnon, la magnifique figure de Hérault de Séchelles. Un livre qui a toutes les sonorités du Grand Siècle. Mais sur une tonalité moralement si moderne qu’on en est – que j’en suis – épaté. De l’art, en littérature, de ne surtout pas tenir ses promesses.
Bizarre cette affaire Jean-Jacques Annaud et le fait (cf. Le Point de la semaine dernière) que son Stalingrad soit l’objet, ici ou là, de lectures, interprétations, appropriations, contradictoires. Le propre de l’époque, son signe le plus distinctif ainsi que, soit dit en passant, la condition de possibilité du rêve européen et de sa progressive incarnation, c’était le fait que cet événement-là – en gros, la Seconde Guerre mondiale – était un événement massif, monolithique, regardé en Allemagne de la même façon que dans le reste du monde et, somme toute, non réversible. Fin du miracle ? Fin d’une époque ?
D’habitude ce sont les journaux – actionnaires… rédactions… – qui nomment leur directeur. Libé, en consacrant cette double page au cas d’Anne-Marie Périer-Sardou, directrice de Elle, invente un nouveau truc : c’est Libé qui sait, c’est Libé qui juge – un pas de plus et c’est Libé qui choisira. L’affaire ne manque pas de sel. Dans l’histoire récente de la confraternité journalistique elle est, il me semble, sans précédent.
Juste pour information. On me prête, ici et là, le projet d’écrire un Sissi pour la télé. L’idée serait plaisante. Sauf qu’elle est totalement fantaisiste. De Sissi, je ne connais que la légende et le texte de Cioran. Un peu court pour me lancer dans pareille aventure.
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