Belle et bonne colère de Claude Lanzmann à propos de l’exposition « Mémoire des camps », à l’Hôtel de Sully, à Paris. Voir, est-ce se donner le droit de ne pas comprendre ?

Convoqué par un juge de Pau à cause de ce que j’ai écrit, ici même, de l’agression du député Vincent Peillon – avec Arnaud Montebourg, l’« autre » étoile montante du PS – par une meute de chasseurs en colère. « Extrême droite » n’avait pas plu. « Extrême chasse » convient-il mieux ?

Le défilé des Congolais devant la dépouille mortelle du dictateur Kabila. Ce n’est plus Disneyland, mais Deathneyland.

L’euro baisse : les économistes lèvent les bras au ciel, crient à la catastrophe, s’affolent. L’euro monte : les économistes lèvent les bras au ciel, crient à la catastrophe, s’affolent. La seule chose qui a l’air de n’inquiéter aucun économiste : l’immanquable panique, le jour où les vraies gens auront les vrais euros entre les mains et verront se brouiller, d’un seul coup, les vrais repères de leur économie personnelle. Marx, dans Le 18 Brumaire (je cite de mémoire) : les révolutions commencent, aussi, quand l’« équivalent général » perd son sens, sa mesure, son usage.

Dieu sait si Sharon est détestable et si j’aurais préféré que ce fût Peres, le grand Peres, l’initiateur, avec Rabin, du processus de paix, le témoin de l’Israël pionnier, l’incarnation des Lumières juives et sionistes, etc. Bref, ce n’est malheureusement pas Peres, mais Sharon, qui sera Premier ministre à Tel-Aviv. Mais faut-il, pour autant, déjà crier au cataclysme ? à la barbarie en marche et au pouvoir ? faut-il hurler que ça y est, nous y sommes, c’est « le boucher de Sabra et Chatila » qui a, entre ses mains, le sort des Israéliens et de la paix ? Sharon est détestable, donc. Mais, à ceux qui l’auraient oublié, je rappelle, primo, que, à Sabra et Chatila, ce ne sont pas des soldats juifs, mais des phalangistes libanais qui ont massacré ; secundo, qu’on a déjà vu, dans la longue histoire des guerres, des paix et de leurs ruses, d’autres faucons devenir colombes et qu’il vaut donc mieux, en ces matières, essayer de ne jurer de rien.

Rencontré à Luanda un vieil intellectuel angolais, Lucio Lara, qui a connu Alexandre Kojève, du temps où il officiait dans les organisations internationales où se jouait, selon lui, le dernier acte de la fin de l’Histoire : « Kojève était non seulement un farceur, mais un salaud ; savez-vous que, à la fin de sa vie, il se présentait ouvertement comme le dernier intellectuel stalinien ? » En effet. Dans la « Lettre à Tran Duc Tao » de 1948 : « j’ai été la conscience de Staline » ; et : « mon commentaire de La phénoménologie de l’esprit était un texte de propagande ».

Trois semaines que je veux rendre hommage – et trois semaines que, actualité oblige, je diffère – à l’excellente adaptation, par Hossein, avec François Marthouret, Yves Le Moign’ et, surtout, Claire Nebout, de Huis clos, au Petit Marigny. Je m’y décide. C’est trop tard. La pièce vient de quitter l’affiche. Misère du chroniqueur.

Toujours la même émotion quand, comme ici, avec ce Parcours deux de Merleau-Ponty (Verdier) on retrouve quelque chose qui ressemble à des œuvres oubliées ou perdues. La variante décisive, qui change tout ? Le clé secrète ? La pièce manquante du puzzle ? La grande « Leçon sur le Bien » de Platon ? Ou simplement, comme ici, cette note demandée par Martial Guéroult à la veille de l’entrée au Collège de France ? Quelques pages à peine, mais un modèle d’exercice d’autobiographie intellectuelle.

Dans ce même Parcours deux de Merleau-Ponty, page 303 : « j’ai toujours été frappé par ce fait que, dès qu’il touche au corps, Husserl ne parle plus la même langue ». Vrai non seulement de Husserl, mais des philosophes en général et, plus encore, des romanciers. Cette semaine, pêle-mêle (pas mal d’avions, donc romans…) : Mason & Dixon de Pynchon (Seuil), Une voix dans la nuit d’Armistead Maupin (L’Olivier), On ne se tue pas pour une femme d’Olivier Weber (Plon) et, même s’il ne s’agit pas d’un roman, Ebène de Kapuscinski (Plon).

Dans mes papiers, non daté, mais on doit être fin 1977, en pleine affaire Ajar, ce mot de Romain Gary citant Rilke : « si le temps passe et que ton nom circule parmi les hommes, n’en fais pas cas ; pense qu’il est devenu mauvais et jette-le ; prends en un autre, n’importe lequel, pour que Dieu puisse t’appeler en pleine nuit ; et tiens-le secret à tous ».


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